Affiche annonçant la consultation de la population sur les activités de George Soros, à Budapest, le 2 octobre. / BERNADETT SZABO / REUTERS

Editorial du « Monde ». Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, est assuré de remporter le combat singulier, mais ô combien symbolique, qu’il a engagé contre le milliardaire d’origine hongroise George Soros. Le résultat de la consultation lancée par M. Orban le 1er octobre et auquel les électeurs hongrois devaient répondre jusqu’au 26 novembre sera connu dans les prochains jours. Mais il ne fait aucun doute. Soutenue par une imposante campagne publicitaire et médiatique, la dénonciation virulente du « plan Soros » devrait être plébiscitée.

Depuis des mois, en effet, Budapest a fait du financier-philanthrope George Soros l’ennemi public numéro un du pays. Il l’accuse tout bonnement de fomenter un complot contre sa Hongrie natale et d’œuvrer, avec le soutien de la Commission européenne, à un plan destiné à accueillir sur le Vieux Continent un million de réfugiés par an et de les installer d’autorité dans les pays de l’Union européenne. Histoire d’ulcérer un peu plus les Hongrois, ce « plan Soros » imaginaire imposerait de sévères sanctions aux pays qui refuseraient d’accueillir des réfugiés.

Le refus de Budapest de prendre sa part de l’accueil des réfugiés n’est pas une surprise. Depuis la crise migratoire de ces dernières années et la décision de l’Europe, et en particulier de l’Allemagne, de leur ouvrir largement ses portes, Viktor Orban n’a cessé de s’opposer de façon virulente à cette politique humanitaire. En outre, le premier ministre hongrois, qui sollicitera, lors des élections législatives d’avril 2018, le renouvellement de son mandat, a fait du nationalisme et de la dénonciation des « diktats » de Bruxelles le gage de son succès.

Sur fond d’antisémitisme à peine masqué

Mais la croisade anti-Soros va bien au-delà. En en faisant un bouc émissaire parfait, qui plus est sur fond d’antisémitisme à peine masqué, elle est cruellement symptomatique de la dérive autoritaire et populiste dans laquelle la Hongrie – et plusieurs pays d’Europe centrale et orientale – est en train de se laisser entraîner.

Car, s’il a été un financier sans frontières et, dans bien des cas, un spéculateur sans scrupule, George Soros a aussi été, depuis une quarantaine d’années, un philanthrope libéral qui a investi des milliards de dollars pour favoriser et aider la transition démocratique des anciens pays communistes. Dès 1979, il avait créé l’Open Society Institute pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme. Et l’Université d’Europe centrale, qu’il a fondée à Budapest en 1991 et qui est désormais l’objet de tracasseries incessantes de la part des autorités hongroises, a joué un rôle crucial dans la formation des élites postcommunistes, à commencer par Viktor Orban lui-même.

L’Union européenne et la France en premier lieu ne sauraient se laver les mains de cette affaire. Non seulement l’opération montée cyniquement par M. Orban contre George Soros est condamnable à tous points de vue. Mais, au-delà du cas Soros, les démocrates européens ne peuvent rester indifférents à la volonté assumée de la Hongrie de devenir le laboratoire d’une Europe nationaliste et xénophobe, aux antipodes des valeurs de l’Union.