Pierre-Hugues Herbert et Richard Gasquet, durant leur entraînement au stade Pierre-Mauroy, jeudi 23 novembre. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Prise de risque maîtrisée ou bien calcul insensé ? Réputé pour être souvent décisif en Coupe Davis, le double de la finale contre la Belgique, ce samedi 25 novembre, s’annonce périlleux pour l’équipe de France – et pour son capitaine. Selon son issue, le pari de Yannick Noah se révélera perdant ou gagnant. Et l’on criera au génie ou à la folie. Jeudi, Noah a pris tout le monde à contre-pied en choisissant d’aligner la paire inédite Pierre-Hugues Herbert-Richard Gasquet. Mercredi, les deux joueurs s’étaient certes entraînés ensemble. Mais tout au long du stage, les yeux étaient braqués sur l’autre côté du filet. A savoir, sur le tandem composé de Nicolas Mahut et Julien Benneteau.

Le premier a sans doute été le plus abasourdi par cette décision, lui qui était titulaire à ce poste depuis le début de la campagne 2017. Quelques jours avant la sélection, Mahut, 36 ans, confiait au Monde le « rêve de petit garçon » qu’aurait constitué une participation à la finale, racontant avoir « commencé le tennis en regardant la finale de 1991 ». Jeudi soir, l’Angevin tentait de faire bonne figure, malgré l’évident coup de massue : « Vous imaginez bien que c’est une déception, pour Julien comme pour moi. Mais on était six au départ, on savait qu’il y en a deux qui sortiraient de l’équipe, c’est la règle du jeu, on l’accepte. » Le second pouvait espérer une sélection sur le fil, après une demi-finale à Bercy, et son expérience en double.

Au dernier moment, Yannick Noah leur a préféré Richard Gasquet et Pierre-Hugues Herbert, l’acolyte de Mahut, tout juste remis d’un lumbago. Les deux joueurs pourraient disputer, ce samedi, leur tout premier match côte à côte. La statistique n’a visiblement pas effrayé le capitaine, pour qui il s’agit de « la meilleure équipe de double aujourd’hui. Ils ont un jeu qui se complète très bien », a-t-il justifié.

Les numéros un de la partie ?

Richard Gasquet revient de loin. Blessé une partie de la saison, notamment au dos et à la cuisse, le Biterrois était repassé par le circuit Challenger (la « deuxième division » mondiale), avide de retrouver de la confiance. Cette semaine, en stage, il est apparu physiquement affûté, répétant être tout proche de son niveau d’il y a deux ans, lorsqu’il était alors 9e mondial. Au point de convaincre son capitaine de lui donner sa chance. La sélection de Gasquet oblige néanmoins Pierre-Hugues Herbert à changer de côté sur le court. Aligné à gauche aux côtés de Mahut depuis trois ans, il a dû procéder à « des petits réglages » afin de trouver ses automatismes avec son nouveau partenaire.

Face à un double belge perçu – à tort ? – comme le maillon faible de l’adversaire, la prise de risque semble contrôlée de la part de Noah. A moins que le capitaine ne décide d’aligner Jo-Wilfried Tsonga en guise d’option plus sécurisante, au vu de sa prestation vendredi, face à Steve Darcis. Aux côtés plus vraisemblablement de Richard Gasquet, avec qui il a déjà des automatismes en Coupe Davis, que de Pierre-Hugues Herbert – quoique cette dernière option ne soit pas totalement à exclure tant avec Noah, plus personne n’est sûr de rien depuis le début de la semaine. « Je vous le dirai le plus tard possible. Il n’y a pas de raison que je donne cette information à l’équipe adverse », a-t-il éludé à l’issue de la première journée.

Jo-Wilfried Tsonga dans les bras de son capitaine, Yannick Noah, à l’issue de sa victoire vendredi 24 novembre contre Steve Darcis. / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

La même incertitude règne du côté belge. Le tirage au sort, jeudi, laissait penser que la paire Joris De Loore-Ruben Bemelmans tenait la corde. Mahut, qui regardera donc le match depuis le banc, s’en méfiait d’ailleurs : « De Loore a subi une petite opération du genou après l’US Open, et il a tout mis en œuvre pour revenir et être compétitif. Avec Bemelmans, ils ont déjà battu une forte équipe du Brésil, les Allemands… et à chaque fois, ils ont sorti de très gros doubles en Coupe Davis », déclarait-il au Monde, quelques jours avant la finale.

Mais le capitaine belge, Yohan Van Herck, peut aussi décider de faire jouer son numéro un, David Goffin, vainqueur du premier simple contre Lucas Pouille (7-5, 6-3, 6-1). Il n’a bien sûr pas voulu livrer d’indices à son adversaire, mais c’est la conviction de Yannick Noah : « On s’attend à ce qu’il joue depuis déjà un moment, c’est le numéro un belge, on s’est toujours préparé à jouer contre lui en double », a-t-il insisté vendredi soir, au sortir du match de Jo-Wilfried Tsonga.

Depuis le retour sur le banc du dernier vainqueur français en Grand Chelem, en septembre 2015, chacun guette un éventuel « effet Noah ». Le coup de poker de samedi sera-t-il celui escompté ? En la matière, le capitaine a déjà fait ses preuves. Lors de sa première finale, en 1991, face aux Etats-Unis de Sampras et Agassi, Yannick Noah avait choisi d’aligner Henri Leconte. Opéré d’une hernie discale trois mois seulement avant l’échéance, retombé à la 158e place mondial, il avait dominé Pete Sampras, avant d’apporter le point du double aux côtés de Guy Forget. Un coup de maître pour un coup d’essai.