Vingt-trois délinquants considérés comme étant en voie de radicalisation islamiste, mais non soupçonnés d’actes de terrorisme, ont été pris en charge avec succès dans le cadre d’un programme judiciaire de déradicalisation expérimenté dans le Haut-Rhin, ont annoncé les promoteurs de cette initiative vendredi 24 novembre.

Deux ans après le lancement de ce projet, on note des « indicateurs d’évolution positifs », en tout cas pour les neuf personnes qui sont allées au bout du programme individuel élaboré à leur intention, a expliqué le procureur général près la cour d’appel de Colmar, Jean-François Thony, lors d’une conférence de presse. Pour les quatorze autres, le suivi n’est pas terminé. Aucun des participants n’est en détention.

« Prise en charge exigeante »

Les individus concernés sont pris en charge pendant au moins six mois par une équipe pluridisciplinaire d’éducateurs, de psychologues ou de psychiatres. Chaque parcours est individualisé : l’un peut être amené à suivre des cours sur les théories du complot, un autre à faire un « séjour de rupture » avec des éducateurs…

« On ne peut jamais dire d’une manière ferme et définitive qu’une personne est déradicalisée, mais on peut dire il y a des signes de réinsertion », a précisé M. Thony, évoquant une « prise de distance avec les théories du complot » ou une « reconstruction des liens familiaux ».

« C’est une prise en charge exigeante : la personne doit honorer trois ou quatre rendez-vous et démarches par semaine, et cela peut durer un an », a souligné le procureur de Mulhouse, Dominique Alzeari.

A ceux qui douteraient de la sincérité des « déradicalisés », « je réponds que pour dissimuler [ses idées] pendant un an, toutes les semaines, il faut vraiment être un bon comédien », a commenté son homologue de Colmar, Christian de Rocquigny.

Quant à la question de savoir si une telle initiative peut être efficace alors qu’elle est imposée, le magistrat a estimé que « la contrainte permet d’amorcer la pompe, d’établir un contact, ensuite elle s’estompe ».

« Transposable à l’ensemble du territoire »

Le programme s’adresse à des personnes ayant commis une infraction pénale. Dans certains cas, il peut s’agir de faits d’incitation à la haine ou d’apologie du terrorisme. Dans d’autres, de faits n’ayant aucun rapport avec cette problématique – comme des violences conjugales ou des dégradations – mais dont les auteurs sont « repérés » pour leurs propos extrémistes.

« On peut proposer à la personne d’échapper aux poursuites si elle se soumet au programme. On peut aussi lui imposer ce programme dans le cadre d’un contrôle judiciaire, ou bien encore dans le cadre d’une condamnation avec sursis et mise à l’épreuve », a détaillé M. Thony.

Le programme mulhousien « est immédiatement transposable à l’ensemble du territoire français », a assuré la sénatrice Les Républicains du Haut-Rhin, Catherine Troendlé, co-auteur en juillet dernier d’un rapport parlementaire sur la politique de déradicalisation menée en France.

Cette initiative est très peu coûteuse – de l’ordre de quelques milliers d’euros par personne suivie et par an –, loin de la « gabegie financière » qu’a représenté, selon elle, le centre controversé de Pontourny, en Indre-et-Loire. Il a fermé cet été faute de résultat.

Ce projet est très similaire au dispositif Rive (« Recherche et intervention sur les violences extrémistes »), dévoilé début novembre par la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Expérimenté depuis un an dans le plus grand secret, il concerne actuellement 14 personnes alors que le gouvernement doit présenter d’ici à début janvier « une quinzaine de plans de lutte contre la radicalisation », a précisé mi-novembre le président Emmanuel Macron.