Gérard Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, à l’Assemblée nationale, le 21 octobre. / Bruno LEVY

C’était l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron : créer un « droit à l’erreur pour tous ». « Le cœur de la mission de l’administration ne sera plus la sanction mais le conseil et l’accompagnement », plaidait le candidat d’En Marche !. Il aura fallu plus de six mois, trois moutures et un changement de nom pour que la proposition prenne forme. Le projet de loi « pour un Etat au service d’une société de confiance » devait être présenté en conseil des ministres, lundi 27 novembre, par le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

Le texte, hétéroclite, d’une quarantaine d’articles contient des mesures pour les particuliers, les entreprises et des dispositions sectorielles (agriculture, environnement, construction…). Son objectif est notamment de fluidifier les relations des usagers avec l’administration. « Aujourd’hui, le citoyen, le contribuable, l’association, l’entreprise doivent prouver leur bonne foi, explique Gérald Darmanin au Monde. L’idée, c’est de faire l’inverse. Le citoyen est de bonne foi, et c’est l’administration qui doit prouver qu’il ne l’est pas. » Le droit à l’erreur ne s’appliquera toutefois ni aux récidivistes ni aux retardataires de mauvaise foi. Mais le texte n’explique pas comment sera prouvée cette intention.

Dans le même esprit, le texte prévoit d’élargir le « droit au contrôle » déjà pratiqué par l’administration fiscale : une entreprise ou un particulier pourra demander à être contrôlé pour s’assurer qu’elle ou il est en conformité avec la réglementation. Une démarche que les administrés hésitaient souvent à faire, de peur d’être sanctionnés.

Limiter le nombre de normes

Deuxième pilier : » Si des erreurs de bonne foi interviennent, fait valoir le ministère, c’est souvent parce que notre réglementation et nos procédures sont complexes. » L’Etat s’engage à limiter le nombre de « normes », notamment lors de la transposition du droit européen. « Le premier ministre, rappelle M. Darmanin, a signé [en juillet] une circulaire qui demande, à chaque fois qu’un ministère crée une norme, d’en supprimer deux anciennes. Avant la circulaire, il y avait cinq à six décrets qui ont créé des normes. Depuis, il n’y en a plus eu. »

Des expérimentations seront menées pour alléger les démarches administratives : la mise en place d’un interlocuteur unique en matière d’emploi ou de prestations familiales, des horaires aménagés en fonction des contraintes des usagers, la délivrance de papiers d’identité sans demander de justificatif de domicile, etc. « On peut aussi imaginer un coffre-fort numérique, explique M. Darmanin : une fois que vous aurez donné un papier à une administration, vous n’aurez plus besoin de le donner à une autre. »

Concernant le code du travail, le texte vise à créer une nouvelle sanction non pécuniaire, sorte d’« avertissement », pour tous les manquements commis de bonne foi sur une série de sujets : modalités du décompte du temps de travail, durée maximale, repos, salaires minima prévus par la loi et par les conventions collectives, règles d’hygiène, de restauration et d’hébergement. Ce système, à la main des inspecteurs du travail, n’exclut pas une sanction plus lourde dans un second temps. Mais, adopté dans la foulée des ordonnances qui réforment le code du travail, il risque de faire tiquer opposition et syndicats.

« Vider la mer avec une petite cuillère »

Au demeurant, la gestation du projet de loi s’est faite dans la douleur. Attendue pour la mi-août, la première version présentée par Gérald Darmanin a été retoquée par le président de la République. Trop fourre-tout, trop techno. Depuis l’été, un groupe de travail d’une dizaine de députés LRM a planché sur le sujet en relation avec les administrations et le cabinet du ministre, sous la houlette de Stanislas Guérini, qui devrait être nommé rapporteur du texte, et Sophie Errante. Pour la majorité, cette méthode visant à améliorer le texte est citée comme un modèle de « co-construction entre le gouvernement et le groupe LRM », vante le chef de file des élus LRM, Richard Ferrand.

Un avis que ne partage pas Alain Lambert, ministre sous Jacques Chirac et président du Conseil national d’évaluation des normes. « L’idée est bonne, mais le texte final donne encore le sentiment qu’il a été élaboré dans les bureaux de l’administration, dit-il. On essaie de vider la mer avec une petite cuillère. »

Simplifier les relations entre l’administration et les citoyens est en effet un serpent de mer. Après Nicolas Sarkozy, François Hollande avait prôné un « choc de simplification » et mis en place un conseil ad hoc. Résultat : plusieurs trains de réformes pour les particuliers et les entreprises, et plus de 400 mesures annoncées, certaines entrées en vigueur (déclaration sociale nominative), d’autres largement amendées (compte pénibilité).

Comité de suivi

« Beaucoup de ministres avant moi ont essayé de simplifier, note M. Darmanin. Ils l’ont fait avec courage, et des succès d’estime. Il y a toujours trop de normes. » Pour le gouvernement, l’un des enjeux cruciaux du texte sera qu’il produise des effets. « Ce genre de loi n’a d’intérêt que si les Français voient une différence », reconnaît M. Darmanin.

Là aussi, le gouvernement a l’ambition de faire du projet de loi un « modèle ». D’abord en posant un principe général souffrant « peu d’exceptions ». Ensuite, un comité de suivi contrôlera l’application de la loi. « Tous les mois, je vérifierai que les simplifications demandées sont faites », assure M. Darmanin.

Le projet de loi devrait être examiné au Parlement en janvier. Certains articles feront l’objet d’ordonnances. « Ce sera alors le moment de faire de la pédagogie, en exposant les grands principes et surtout les applications concrètes que va induire ce texte, explique un des membres du groupe de travail. Il ne faut pas en faire un grand texte de simplification mais au contraire mettre en œuvre un texte précis, qui parle aux Français. »