Un bateau transportant 5 500 tonnes de farine est stationné dans le port d’Hodeïda situé sur la mer Rouge, le 26 novembre. / ABDULJABBAR ZEYAD / REUTERS

De premières livraisons d’aide humanitaire ont commencé à atteindre les zones rebelles du Yémen, depuis samedi 25 novembre, après près de trois semaines d’un blocus total déclaré par la coalition internationale dirigée par l’Arabie saoudite, en guerre contre la rébellion houthiste. Le 6 novembre, la coalition avait renforcé ce blocus, en place depuis mars 2015, après le tir d’un missile balistique, revendiqué par les houthistes, en direction de l’aéroport international de Riyad. La coalition a affirmé vendredi que ce missile avait été livré en contrebande au port d’Hodeïda par l’Iran, allié des rebelles, sans cependant apporter d’éléments de preuve.

Samedi, l’Unicef a pu faire atterrir 1,9 million de doses de vaccin contre la diphtérie à l’aéroport de Sanaa, endommagé le 14 novembre par un bombardement de la coalition. Un navire commercial a pu accoster dimanche au port rebelle d’Hodeïda, et quelque 25 000 tonnes de blé du Programme alimentaire mondial devaient être déchargées, lundi, dans le port de Salif.

Cette ouverture demeure limitée, largement en deçà des besoins d’un pays où sept millions de personnes se trouvent au bord de la famine, et qui dépendait à plus de 80 % de ses importations alimentaires dès avant la guerre, qui dure depuis mars 2015. La livraison de vaccins à Sanaa est « un très petit pas », a rappelé lundi le directeur régional de l’Unicef, Geert Cappelaere, et « ne peut être un cas isolé ».

Des ONG repliées à Aden

Le pays est en proie à une épidémie de choléra : plus de 900 000 cas suspects ont été recensés depuis le mois d’avril, et près de 2 200 morts. Près de 180 cas de diphtérie ont, par ailleurs, été signalés depuis deux mois, d’abord dans la province disputée d’Ibb, puis dans quatre autres.

Les Nations unies ont résolu, durant cette crise, de dissocier les livraisons d’aide de cargaisons commerciales, afin de limiter les motifs de refus de la coalition. Elles demandent aujourd’hui que le trafic commercial soit rouvert à son tour. « Nous devons (…) accroître le nombre de bateaux arrivant au port d’Hodeïda », faute de quoi les prix augmenteront et « de plus en plus de gens souffriront », a déclaré lundi le coordinateur humanitaire des Nations unies, Jamie McGoldrick. Le ministère des affaires étrangères français a appuyé cet appel.

Les Nations unies se disent prêtes à participer au renforcement des contrôles sur ce port, suivant l’exigence de Riyad, qui n’a pas encore répondu aux offres de dialogue de l’ONU. Les bateaux accostant à Hodeïda subissent pour l’heure deux inspections : une par les Nations unies et une seconde par la coalition. « Des bateaux qui transportaient à la fois de l’aide et des biens commerciaux étaient déjà renvoyés pour des vétilles avant le blocus : il suffisait qu’un seul bien ne soit pas sur les listes de la coalition, et toute la cargaison était refusée », note un humanitaire en poste à Sanaa.

« Il est probable que Riyad cherche à priver les rebelles du revenu des taxes qu’ils perçoivent à Hodeïda, estime une source militaire. Ces taxes reviendraient alors aux alliés de la coalition à Aden », la capitale de facto des zones gouvernementales, au sud du pays. Certaines ONG se sont déjà repliées sur Aden, bien avant le 6 novembre. Mais les capacités de ce port demeurent insuffisantes, et la route par laquelle des compagnies privées acheminent leurs cargaisons vers Sanaa est semée de points de contrôle, tenus par une multitude de forces affiliées au gouvernement légitime, et soumise à des bombardements de la coalition.