INFOGRAPHIE LE MONDE

Le diagnostic est déjà établi. Sa confirmation n’en est pas moins un événement heureux, tant les bonnes nouvelles se sont fait attendre ces dernières années. Dans ses prévisions économiques mondiales publiées mardi 28 novembre, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se réjouit d’une reprise de la croissance qui se poursuit et se raffermit. L’activité planétaire progresse à son rythme le plus rapide depuis 2010.

Les experts du château de la Muette – le siège parisien de l’institution – pronostiquent une augmentation du produit intérieur brut (PIB) mondial de 3,6 % en 2017 et de 3,7 % en 2018. Une amélioration conjoncturelle « de plus en plus synchronisée entre les pays », souligne l’OCDE. Autrement dit, des pays riches aux économies émergentes et en développement, tous les grands blocs y prennent part, renforçant d’autant le mouvement.

Les principales économies font toutes nettement mieux qu’en 2016, quand la croissance mondiale n’avait progressé que de 3,1 %. La plupart d’entre elles se sont d’ailleurs vues gratifier de franches révisions à la hausse. La zone euro est l’emblème de ce retour à meilleure fortune. Elle devrait enregistrer une croissance de 2,4 % en 2017 – plus forte encore que celle des Etats-Unis, attendue à 2,1 % – et de 2,1 % en 2018. Soit 0,6 point et 0,3 point de pourcentage en plus que ce que l’institution lui prédisait en juin. La France devrait voir son PIB augmenter de 1,8 % cette année et l’an prochain.

« Un élan harmonisé »

Le rapport note que les moteurs de la reprise se sont rallumés un à un : le commerce mondial a redémarré, les carnets de commandes des entreprises se remplissent, l’investissement est reparti. Les créations d’emplois accélèrent. Les indicateurs de confiance sont élevés et se traduisent en dépenses de consommation plus robustes. Les pays avancés profitent de politiques monétaires toujours accommodantes, tandis que l’heure n’est plus à l’austérité du côté des politiques budgétaires.

Chez les émergents, les investissements en infrastructures effectués par la Chine ont stimulé la reprise, notamment en Asie, et amélioré la donne pour les pays exportateurs de matières premières, qui avaient été malmenés par la chute des cours. Ceux-là bénéficient désormais d’une légère remontée des prix du baril.

« Cet élan harmonisé va-t-il, en fin de compte, propulser l’économie mondiale à une vitesse suffisante pour élever la productivité, les salaires réels et les conditions de vie de tous ? », s’interroge l’Américaine Catherine Mann, économiste en chef de l’institution.

Un constat inquiétant et des vulnérabilités

La question vaut signal d’alarme. Dans son rapport, l’OCDE passe moins de temps à se féliciter de l’embellie qu’à s’interroger sur sa solidité. Le regain d’activité est tangible, mais moins vigoureux que lors des précédents épisodes de reprise. Les pays émergents enregistrent des taux de croissance plus faibles que par le passé. Un constat inquiétant, alors que ces Etats jouent un rôle moteur dans l’économie mondiale et sont loin d’avoir achevé leur processus de rattrapage.

Les séquelles héritées de la crise n’ont pas disparu. Pour l’OCDE, le niveau des investissements reste insuffisant, tout comme la croissance des échanges commerciaux. Des points faibles qui accélèrent la baisse de la productivité au niveau mondial. L’amélioration sur le front de l’emploi est inégale, selon les régions et à l’intérieur même des pays. Elle cache la multiplication d’emplois dits de « mauvaise qualité ». Malgré la baisse du chômage, les salaires – et plus spécialement ceux du bas de l’échelle – progressent très modestement dans la plupart des grandes économies. Une anémie qui dure depuis une décennie et alimente le mécontentement populaire.

« Accélérer l’investissement et la productivité »

Au rayon des vulnérabilités, l’OCDE souligne aussi le poids démesuré de la dette des ménages et des entreprises : très élevée dans les pays riches depuis la crise, elle a explosé dans les pays émergents – et notamment en Chine –, ces dernières années. Si ce fardeau ne représente pas un danger immédiat, il pourrait en être autrement en cas de remontée brutale des taux d’intérêt et de correction sur les marchés financiers. Ces mêmes marchés semblent ignorer les risques, avec des indices, aux Etats-Unis, notamment, qui volent de record en record. Une euphorie boursière qui, selon l’OCDE, ne reflète pas la réalité de la reprise et constitue un facteur de fragilité.

L’institution met en garde contre le risque de voir la croissance retomber comme un soufflé dès 2019. A moins de mettre sérieusement le cap sur les réformes. « Les décideurs doivent impulser des changements plus profonds dans leurs politiques pour accélérer l’investissement, la productivité, la [hausse] des salaires réels et rendre la croissance plus inclusive », exhorte Catherine Mann, qui met en garde contre toute tentation de « complaisance ».