Après d’interminables discussions, l’Union européenne a adopté, lundi 27 novembre, la prolongation de la licence du glyphosate pour les cinq prochaines années. La France, qui a voté contre, a suscité la surprise en affirmant aussitôt sa volonté de court-circuiter cette décision.

Emmanuel Macron a, en effet, demandé au gouvernement de « prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans ». Si cette annonce a, dès lors, rassuré les opposants au glyphosate, elle a suscité l’ire du clan adverse, à commencer par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), en tête de la lutte pour la prolongation de cet herbicide controversé.

Pour Eric Thirouin, son secrétaire général adjoint, la décision du gouvernement est « inadmissible ». Car, selon lui, elle revient à créer une « distorsion de concurrence » qui pourrait coûter cher à l’économie française.

Que pensez-vous du vote de l’Union européenne approuvant la prolongation de la licence du glyphosate pour une durée de cinq ans ?

On ne peut que saluer le pragmatisme des Etats membres qui ont voté aux deux tiers le renouvellement. Nous sommes, en revanche, ahuris de la réaction du président Emmanuel Macron. Deux heures après le vote, il dit vouloir interdire le produit dans trois ans. Une décision franco-française qui revient à s’asseoir sur l’Europe. Dans son programme, M. Macron demandait pourtant plus d’Europe mais quand il s’agit d’agriculture, ce n’est plus le cas. C’est tout simplement inadmissible. L’interdiction va créer une distorsion de concurrence qui va nous conduire dans une impasse.

Une étude récente [conduite par la Fondation Concorde] a montré que l’arrêt du glyphosate entraînerait un surcoût de deux milliards d’euros pour l’économie française, alors qu’un tiers des agriculteurs vit aujourd’hui avec moins de 350 euros par mois. Quand on sait que d’autres pays n’auront pas à subir ce surcoût, cela revient à poser un boulet à l’agriculture française.

Comment expliquez-vous un tel surcoût ?

Grâce au glyphosate qui permet de désherber en totalité, un certain nombre d’agriculteurs ne labourent plus leurs terres. En cas d’interdiction du produit, ils seront obligés de racheter une charrue, d’augmenter leur consommation de gazole et, par conséquent, les émissions en CO2. Pour désherber, ils devront également utiliser deux à trois produits différents, ce qui représente un coût financier supplémentaire. Sans parler de la chute de rendement, car il y aura forcément des hectares non exploitables.

Aujourd’hui, il n’existe pas d’alternative équivalente au glyphosate. Cinq ans pour en trouver, c’est déjà très court, je ne vois donc pas comment on pourrait y parvenir en trois ans.

Que faites-vous des conséquences du glyphosate sur l’environnement et la santé régulièrement pointées par les ONG ?

Cela fait quarante ans qu’on utilise le glyphosate et seule une étude du Centre international de recherche sur le cancer non validée par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a démontré ses effets cancérigènes, contrairement à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Malgré tout, on entend l’attente de la société pour que la production agricole française consomme moins de produits phytosanitaires, et on doit y répondre. Pour cela, il faut innover et trouver des solutions. C’est pourquoi trente organismes agricoles, parmi lesquels des instituts techniques, des chambres d’agricultures et des organismes de formation, ont décidé de s’associer pour annoncer au premier trimestre 2018 une trajectoire de progrès pour limiter l’usage des herbicides. Mais pour trouver une innovation, il faut un gouvernement qui s’investisse à nos côtés.

Un exemple : on peut utiliser moins d’herbicide en faisant plus de désherbage mécanique. Mais on ne va pas pour autant ressortir la binette. Des projets de robot qui sont en cours [ici, ici et ] permettraient de traiter les mauvaises herbes en utilisant vingt fois moins de produits, et nécessiteraient seulement un pilote.

Vous dites ne pas vouloir ressortir la « binette » mais c’est pourtant ce que font les agriculteurs bio.

Pour combler l’utilisation du glyphosate, les producteurs bio sont parfois obligés d’avoir recours à de la main-d’œuvre supplémentaire. Ils réduisent également la taille des exploitations. Mais ils peuvent le faire car les produits bio sont vendus plus chers.

Il faut d’ailleurs augmenter la production bio, d’autant que la demande des consommateurs va dans ce sens. Mais celle-ci n’atteindra jamais 100 % car beaucoup de gens regardent les prix. Et ce n’est pas parce que l’on ne fait pas du bio que l’on ne peut pas fournir une agriculture de qualité. Il ne doit pas seulement y avoir deux types d’agriculture mais plusieurs qui répondent aux besoins des consommateurs.