C’est une ville dans la ville, avec ses rues, ses immeubles de bureaux, ses ateliers, ses immenses parkings, un musée, un gymnase et un karting. Pendant des années, les terrains PSA ont formé une tache grise de 180 hectares sur les cartes d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Cinq ans après le départ du groupe automobile, la reconquête du site industriel par la municipalité doit entrer en phase opérationnelle jeudi 30 novembre, avec la signature de la convention d’acquisition des terrains pas la ville, par le biais d’un portage de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France.

Le maire (LR) d’Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza, le répète à l’envi : ce quadrilatère de plus de 2 km sur 1 km, qui représente plus de 10 % du territoire de sa commune, « sera la plus grosse opération d’aménagement d’Ile-de-France, un périmètre plus grand que la Défense ! » Une opération qui doit, pour cette ville marquée par les difficultés sociales et urbaines de la Seine-Saint-Denis, répondre à des enjeux multiples.

Un millier d’emplois pour la première tranche

Premier défi : recréer de l’activité là où PSA employait 6 000 salariés à l’ouverture de l’usine, 3 000 à la fermeture. Au nord-est du site, le long des autoroutes A1, A3 et A104, 75 hectares sont déjà en cours de reconversion industrielle. Segro et Carrefour y installent des entrepôts logistiques. Et la Société du Grand Paris y a acheté 29 hectares à PSA pour 29 millions d’euros, en mars, afin d’y implanter un centre de maintenance du futur métro automatique de la métropole, attendu en 2024. Au total, ces acteurs pourraient totaliser un millier d’emplois.

Le rachat des 105 hectares restants a fait l’objet de trois ans d’âpres négociations entre PSA, l’Etat et Bruno Beschizza, élu à la tête de la ville en 2014. « Le risque, c’était soit que PSA laisse tout en friche en attendant que le Grand Paris Express valorise les terrains puis vende à la découpe, soit que l’Etat prenne la main et fasse une nouvelle cité-dortoir géante de 6 000 logements », analyse M. Beschizza.

PSA pas partenaire

Au final, l’Etablissement public foncier rachète ces 105 hectares pour 110 millions d’euros à PSA, et les cédera à l’aménageur au fur et à mesure de l’avancée des projets. Un prix largement inférieur aux espoirs de l’industriel – qui évoquait jusqu’à 400 millions d’euros. Mais une clause garantit au constructeur une part des bénéfices si le projet d’aménagement est revu à la hausse, à la faveur notamment de l’arrivée du métro.

Quoi qu’il en soit, PSA ne sera pas partenaire de la reconversion, comme Renault l’avait été sur l’île Seguin (Hauts-de-Seine). Pour conduire cette opération, la ville va créer une société d’économie mixte d’aménagement à opération unique dont elle détiendra 17 %, à égalité avec l’Etat représenté par Grand Paris Aménagement. Des acteurs privés, choisis sur appels d’offres, viendront compléter le capital.

Ce sera le deuxième défi : donner naissance à un véritable morceau de ville, mixant logements, commerces, équipements et activités. Au total, un million de mètres carrés. Les grandes orientations urbaines et l’économie générale de ce futur quartier doivent être définies d’ici avril par le cabinet d’urbanistes Richez Associés.

Un « campus des métiers »

Côté développement économique, le maire mise sur l’implantation d’un « campus des métiers », un centre de formation associant le secteur privé et une pépinière d’entreprises, sur le modèle du Leepark de Rotterdam, qui pourrait devenir le centre névralgique du quartier. Autour, la ville projette 2 500 logements à ce stade – deux fois moins que ce que souhaitait l’Etat –, soucieuse de ne pas recréer trop vite un grand ensemble résidentiel à quelques centaines de mètres de la cité des 3 000 et alors que 40 000 Aulnaysiens sont encore concernés par des programmes de rénovation urbaine.

Connecter le nouveau quartier à la gare du Grand Paris Express prévue à 700 mètres du site, au reste de la ville et à ses ensembles de logements sociaux, ce sera le troisième défi de cet aménagement : les terrains PSA sont complètement coupés d’Aulnay par de vastes parcs. « Cette opération peut donner une nouvelle impulsion à tous les projets de la ville, qui compte sept grands projets de renouvellement urbain au total », veut croire Bruno Beschizza. Une occasion, pour la municipalité, de sortir d’une image plus souvent marquée par les violences urbaines et les brutalités policières.