Theresa May, la première ministre britannique, à Bruxelles, le 24 novembre 2017. / JOHN THYS / AFP

Longtemps présentée comme le premier obstacle à un accord entre Londres et les Vingt-Sept sur le Brexit, la question du « chèque de départ » n’est désormais plus très loin d’être résolue. Alors que Theresa May avait proposé de payer 20 milliards d’euros le 22 septembre, le Royaume-Uni vient d’accepter de porter cette somme à environ 50 milliards d’euros. Ce coût du divorce est l’un des trois dossiers-clés – avec le statut des expatriés et l’Irlande – sur lesquels l’UE exige de nouvelles propositions britanniques d’ici à début décembre avant d’ouvrir les négociations, cruciales pour Londres, sur les futures relations commerciales.

« Le gouvernement britannique a compris qu’il ne pouvait plus avancer pas à pas sur le sujet », estime un diplomate bruxellois. Faute d’un feu vert du Conseil européen des 14 et 15 décembre et de visibilité d’ici à mars 2019, date du Brexit effectif, le patronat et les banques de la City ont averti la première ministre qu’ils seraient contraints d’accélérer les délocalisations.

Dublin exige un engagement écrit des Britanniques qu’ils ne reconstitueront pas une « frontière dure » avec contrôles policiers et douaniers entre l’Irlande et l’Irlande du Nord

« La question est de savoir comment on va présenter les chiffres pour qu’ils ne mettent pas le gouvernement britannique trop en difficulté », ajoute le diplomate. Bruxelles ne veut pas attiser la colère des alliés eurosceptiques de Mme May. Boris Johnson, son ministre des affaires étrangères, n’a-t-il pas déclaré en juillet que l’UE pourrait « toujours courir » pour obtenir un chèque ?

Les équipes de Michel Barnier, le négociateur en chef pour les Vingt-Sept, vont continuer d’éplucher ligne à ligne les engagements des Britanniques pour vérifier si le compte y est. Les 20 milliards proposés par Mme May correspondaient à la contribution nette des Britanniques pour deux ans, durée de la période de transition que souhaite Londres. Reste à solder les engagements pris par le Royaume-Uni dans le cadre du budget pluriannuel de l’Union 2014-2020, soit 20 à 30 milliards d’euros en plus. Et à ajouter, selon Bruxelles, quelques milliards correspondant aux engagements hors budget de l’UE, comme les retraites des fonctionnaires européens.

Les discussions sur le sort des expatriés ont aussi beaucoup progressé. Mais Bruxelles réclame que les ressortissants des Vingt-Sept demeurant au Royaume-Uni après le Brexit, puissent continuer, en cas de conflit avec les juridictions britanniques, de saisir la Cour de justice de l’Union. Londres refuse que des magistrats britanniques soient soumis à l’interprétation de juges de l’UE après le Brexit. Le Parlement européen, qui devra approuver l’accord, ne semble pas prêt à accepter les positions britanniques.

Fronde des députés

Mais c’est la situation en Irlande qui paraît désormais la difficulté la plus difficile à surmonter. Dublin exige un engagement écrit des Britanniques qu’ils ne reconstitueront pas une « frontière dure » avec contrôles policiers et douaniers entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Cette perspective, qui fragiliserait les accords de paix de 1997, est un corollaire de la décision de Mme May de quitter l’union douanière. Pour éviter la frontière, Dublin réclame que l’Irlande du Nord demeure dans cette union. Faute de quoi l’Irlande du Nord pourrait devenir une porte d’entrée facile dans l’UE pour tous les trafics.

Pour Theresa May, l’équation du Brexit s’est encore compliquée, mardi 28 novembre, avec la nouvelle fronde des députés à propos du rapport d’impact économique sur le Brexit réalisé par le gouvernement mais non rendu public. Furieuse d’avoir une version expurgée du document, la commission parlementaire sur le Brexit, présidée par le travailliste Hilary Benn, menace d’engager une procédure d’« outrage au Parlement » qui reviendrait à demander la tête de David Davis, le ministre du Brexit. « C’est à nous de décider » ce qui doit être rendu public, a tonné M. Benn, que le gouvernement accuse implicitement de vouloir organiser des fuites risquant d’affaiblir la position de Londres dans la négociation.

John Bercow, l’intraitable président des Communes, a « conseillé » à M. Davis de s’entendre très vite avec les députés : « Bientôt, cela veut dire bientôt. Donc pas dans des semaines. » Personne ne sait si les documents sont embarrassants pour Theresa May. Mais les députés, qui n’ont pas oublié le slogan phare du Brexit – « reprendre le contrôle » –, ont bien l’intention de défendre leur souveraineté.