Xavier Rolet, patron du London Stock Exchange, en 2010, à Londres. / Anthony Devlin / AP

C’est la fin d’un combat de coqs d’une rare violence, qui s’est étalé sur la place publique de la City. Mercredi 29 novembre, Xavier Rolet a été contraint à démissionner avec effet immédiat de son poste de directeur général de la Bourse de Londres. Le Français met ainsi fin, dans l’humiliation, à neuf années à la tête de l’une des institutions les plus en vue de la place financière londonienne.

Il ne chute cependant pas seul, obtenant, avec son départ, la tête du président du conseil d’administration, Donald Brydon. Ce dernier annonce qu’il ne se représentera pas à sa propre succession quand son mandat arrivera à échéance en 2019. L’affrontement entre les deux hommes, qui s’étaient violemment opposés par presse interposée ces dernières semaines, se termine par un K.-O. généralisé.

David Warren, actuellement directeur financier, va prendre la direction intérimaire du groupe, en attendant de trouver un successeur à M. Rolet.

Cassant et arrogant

L’annonce vient conclure deux mois d’un combat qui s’est déroulé initialement en coulisses, puis à la vue de tous. Courant septembre, M. Rolet rencontre certains de ses actionnaires et assure qu’il n’a pas l’intention de partir. La question se pose parce que la Bourse de Londres avait subi, quelques mois plus tôt, un sérieux revers : sa fusion avec la Bourse de Francfort avait échoué, officiellement bloquée par les autorités de la concurrence européennes, mais, en fait, c’est une conséquence du Brexit. Si le rapprochement avait eu lieu, M. Rolet avait promis de laisser sa place. Après huit ans à la tête du London Stock Exchange, avec un bilan positif, il pouvait espérer partir par le haut. Après l’échec, allait-il rester ? Le 13 septembre, dans un entretien au Monde, il se montrait catégorique : « Je n’ai aucune raison de partir. »

A la fin du mois, pourtant, lors d’un discret conseil d’administration, son départ est officiellement entériné. Les régulateurs, la Banque d’Angleterre et la Financial Conduct Authority, sont tenus informés. Le 19 octobre, l’annonce est officielle : M. Rolet partira à la fin de l’année 2018.

Que s’est-il passé ? L’affrontement a visiblement été violent entre le Français, facilement cassant et arrogant, et le président du conseil d’administration, M. Brydon, lui-même un grand fauve de la haute finance londonienne. Ce dernier l’a-t-il forcé à partir ? Après tout, M. Rolet était à son poste depuis bien plus longtemps que la moyenne des patrons des entreprises du FTSE100, qui restent en général cinq ans.

Un bilan excellent

Un troisième personnage a alors déboulé dans le ring : Christopher Hohn, qui dirige le fonds de pension TCI. Lui est un actionnaire activiste, qui n’aime rien de plus que de jouer les chiens dans le jeu de quilles, poussant les entreprises à procéder aux changements qu’il prône. Il possède 5 % de la Bourse de Londres et n’entend pas accepter le départ de M. Rolet sans rien faire. Le bilan du Français est excellent, rappelle-t-il. Quand celui-ci est arrivé à son poste en mars 2009, le groupe était isolé et en proie aux rumeurs récurrentes d’OPA. Aujourd’hui, à coups d’acquisitions, le chiffre d’affaires a triplé et le cours de l’action quintuplé.

M. Hohn exige des explications. M. Rolet a-t-il été mis à la porte ? Le Français pourrait alors facilement déminer la situation, en affirmant qu’il part de sa propre initiative. Il choisit au contraire le silence glacial, se réfugiant derrière des clauses de confidentialité qui l’empêcheraient de parler. Furieux, l’actionnaire demande la tenue d’une assemblée générale extraordinaire, pour obtenir la démission du président, M. Brydon.

Mardi 28 novembre, la fin de la partie a été sifflée par Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre. Il s’est dit « sidéré » de la bataille, tançant sans le nommer M. Rolet. « Tout a une fin. » Le Français n’avait plus d’autre choix que de partir immédiatement. Non sans rancœur. Dans le communiqué annonçant sa chute, il rejette la responsabilité sur le « conseil d’administration » – sous-entendu, M. Brydon. « Depuis l’annonce de mon départ, le 19 octobre, il y a eu beaucoup de bruits qui n’étaient pas les bienvenus, ce qui n’a pas aidé l’entreprise. A la demande du conseil d’administration, j’ai accepté de démissionner avec effet immédiat. Je ne retournerai pas au bureau, sous aucune circonstance. »