Le Britannique Guy Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), à Genève, le 22 novembre. / Martial Trezzini / AP

Malgré des évolutions positives indéniables, plus de la moitié (55 %) de la population mondiale ne profite d’aucune des différentes prestations sociales (retraite, chômage, assurance-maladie, etc), soit quatre milliards de personnes, note l’Organisation internationale du travail (OIT) dans son « Rapport mondial sur la protection sociale », présenté à Genève, jeudi 30 novembre.

Autant dire que, parmi les Objectifs du développement durable (ODD) adoptés par les Nations unies en septembre 2015, celui qui consiste à « mettre en œuvre des systèmes nationaux de protection sociale pour tous, y compris des socles », pour réduire et prévenir la pauvreté d’ici à 2030, ne sera certainement pas atteint.

« Ce n’est pas gagné, même s’il nous reste douze ans », reconnaît Christina Behrendt, la chef de l’unité sur les politiques de protection sociale à l’OIT, l’agence des Nations unies tripartite réunissant les représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés de 187 pays sur les questions liées au travail.

Des progrès ont certes été constatés depuis le dernier rapport de 2014. Le pourcentage de personnes couvertes par un système de sécurité sociale est passé de 27 à 29 %, une très légère hausse de deux points, malgré les nombreux engagements pris.

Et cette hausse est en partie due aux avancées réalisées en Chine. « Ce pays a considérablement progressé dans les secteurs des retraites ou du chômage, explique Christina Behrendt. La Chine investit dans la protection sociale car elle veut renforcer la demande intérieure, le pouvoir d’achat de sa population, dans une période où le marché mondial n’est pas très stable. Par ailleurs, cette meilleure protection sociale augmente aussi la productivité de sa main-d’œuvre. »

Obstacles sur les questions de financement

Si certains pays se sont améliorés dans la mise en œuvre de systèmes sociaux plus protecteurs, les obstacles demeurent nombreux, y compris dans les économies développées, notamment sur les questions de financement.

« Les politiques d’austérité à court terme continuent de saper les efforts de développement à long terme, les ajustements d’assainissement budgétaire ont des impacts sociaux négatifs considérables », estime Isabel Ortiz, directrice du département de la protection sociale de l’OIT. L’exemple de la Grèce, où les niveaux de protection sociale ont baissé, illustre bien le propos.

Selon Mme Behrendt, le Fond monétaire international (FMI), « tout en reconnaissant l’importance de la protection sociale, mène une politique de restriction de celle-ci ». Et de citer l’exemple de la Mongolie, qui voulait mettre en place une allocation universelle pour chaque enfant, le FMI lui demandant de la réserver aux familles les plus pauvres. Autre frein, quand les changements politiques conduisent à des virages dans les politiques sociales, comme avec l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis.

Au niveau international, le tableau reste sombre. Seuls 35 % des enfants jouissent d’un « réel accès à la protection sociale ». Moins de la moitié (41,1 %) des mères perçoivent une allocation maternité et « 83 millions de nouvelles mères ne sont pas couvertes ». Les statistiques ne sont guère plus encourageantes concernant la couverture du chômage ou la protection des handicapés, moins de 30 % d’entre eux touchant une prestation d’invalidité.

Seul progrès, depuis une quinzaine d’années, le nombre de personnes ayant atteint l’âge de la retraite et touchant une pension est passé de 51 % (en 2014) à 68 %. Un succès relatif qui pourrait être remis en question par le vieillissement de la population dans le monde, notamment dans les économies occidentales.