Le 30 novembre, à Grenoble, un camion de gendarmerie conduisant Nordahl Lelandais pour son audition dans l’enquête sur la disparition de Maëlys. / JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Deux séquences judiciaires cruciales se sont enchaînées jeudi 30 novembre dans l’affaire de la disparition de Maëlys, lors d’un mariage fin août, en Isère. Après trois mois d’une enquête émaillée par des soupçons de violations du secret de l’instruction, l’homme suspecté d’avoir enlevé la fillette a obtenu l’annulation de ses premières déclarations en garde à vue. Dans la foulée, Nordahl Lelandais, ancien maître-chien de l’armée, a été entendu par les trois juges chargés du dossier, qu’ils n’avaient pas revus depuis son incarcération le 3 septembre.

La petite Maëlys, âgée de neuf ans, qui portait ce soir-là une robe blanche sans manches, n’a pas été retrouvée depuis sa disparition dans la nuit du 26 au 27 août lors d’une soirée de mariage où 140 invités s’étaient réunis à Pont-de-Beauvoisin. L’enquête, qui réunit douze enquêteurs, progresse toutefois sur l’emploi du temps du suspect dans la nuit et la journée de la disparition.

Jeudi, à l’issue de son audition, le suspect a été mis en examen pour meurtre, a expliqué le procureur de la République à Grenoble, Jean-Yves Coquillat, au cours dune conférence de presse. Nordahl Lelandais a toutefois continué de nier les faits.

Pour quelle raison des auditions ont-elles été annulées ?

Pour comprendre cette requête en annulation, il faut remonter au 31 août, cinq jours après la disparition de la fillette, alors que Nordahl Lelandais vient d’être placé en garde à vue. Ces quatre auditions par les gendarmes ne sont pas filmées, comme l’exige pourtant le code pénal en matière d’affaire criminelle. Lorsque Me Alain Jakubowicz, qui reprend la défense du suspect fin septembre, s’aperçoit de cette erreur de procédure, il décide alors de déposer une requête en nullité.

Quelles sont les conséquences de cette annulation ?

L’annulation porte sur quatre procès-verbaux au début de l’affaire et ne concerne pas les auditions réalisées lors de sa deuxième garde à vue. Par effet de ricochet, la décision de la chambre de l’instruction a toutefois pour conséquence d’annuler certains propos tenus par Nordahl Lelandais lors de son interrogatoire de première comparution devant les juges, au moment de sa mise en examen, le 3 septembre. Le suspect avait en effet répondu à trois questions directement liées aux auditions désormais annulées du 31 août, a précisé une source judiciaire.

Les enquêteurs confient s’être « préparés » de longue date à cette probable annulation. Ils assurent ne pas attacher trop d’importance à ces premières déclarations qui faisaient surtout apparaître, selon eux, les « contradictions » du suspect, qui n’avait pas livré d’éléments déterminants pour la suite de l’enquête. Surtout, les gendarmes font savoir qu’ils disposent de suffisamment d’éléments techniques pour faire avancer l’enquête.

Ce revers est donc relatif pour l’accusation qui redoutait que l’annulation ne s’étende à la seconde garde à vue de l’ex-militaire de 34 ans, qui avait débouché sur sa mise en examen pour enlèvement après la découverte d’une trace ADN de la fillette dans sa voiture.

Sur quoi Nordahl Lelandais a-t-il été entendu ?

L’ancien militaire de 34 ans est arrivé jeudi matin, un peu avant 9 h 30, au palais de justice de Grenoble pour être entendu par les juges d’instruction. Les magistrats, deux femmes et un homme, ne l’avaient pas revu depuis son incarcération le 3 septembre. Le suspect était accompagné par un ténor du barreau, Me Alain Jakubowicz, qui s’est abstenu de s’exprimer dans les médias.

  • Le nettoyage méticuleux de sa voiture

Les juges comptaient revenir sur l’ensemble du dossier, et notamment les dix-sept heures au cœur de l’enquête, à compter du dimanche 27 août, vers 2 h 45 du matin, quand la fillette a été aperçue pour la dernière fois par sa grand-mère, et jusqu’à 17 h 30, quand le suspect est ressorti d’une station de lavage, après avoir méticuleusement nettoyé son Audi A3.

Selon les images de la caméra de vidéosurveillance de la station, le suspect a lavé sa voiture durant plus de deux heures, dont près de 40 minutes à aspirer l’habitacle, insistant sur le côté passager et les poignées de portes intérieures et extérieures sur le côté passager et les poignées de portes intérieures et extérieures. Il a également passé des lingettes lustrantes, qu’il a rangées dans un sac, jamais retrouvé par la suite, précise Le Parisien. Sur ce point, Nordahl Lelandais a assuré qu’il voulait vendre son véhicule à un acquéreur - identifié depuis par les enquêteurs.

Un élément capital met toutefois à mal sa défense : l’ADN de Maëlys a été retrouvé sur le tableau de bord. D’après le suspect, dont les propos ont été rapportés par son avocat, la fillette serait montée sur la banquette arrière de son Audi A3 lors de la soirée en compagnie d’un petit garçon blond - dont l’enquête n’a pas permis de confirmer l’existence. Ils auraient voulu voir si ses chiens, dont il leur aurait parlé auparavant, étaient dans le coffre, avant de ressortir et de retourner dans la salle des fêtes.

  • Une photo de lui en voiture

Durant la cérémonie, le convive de dernière minute a effectué plusieurs allers-retours, entre la salle des fêtes et l’extérieur. Durant ses auditions, il a eu une explication pour chacune de ses échappées, assurant s’être absenté pour : s’assurer que ses chiens enfermés dans sa voiture allaient bien, chercher des bières ou encore changer son short « taché de vin et de vomi » en raison de son état d’ébriété.

Selon une image issue d’une caméra de vidéosurveillance, installée sur le fronton d’un magasin d’optique de Pont-de-Beauvoisin, à 800 mètres d’où se tenait le mariage, le suspect ce serait absenté bien plus longtemps. Cette photographie au cœur des investigations appuierait la thèse de l’enlèvement. Elle montre une Audi A3 avec, sur le siège passager une « forme banche » – Maëlys portait une robe blanche ce soir-là. Le visage du conducteur et la plaque d’immatriculation du véhicule n’ont pas pu être captés par la caméra. Les enquêteurs ont toutefois acquis la certitude qu’il s’agissait bien du véhicule de Nordahl Lelandais, notamment en raison d’un défaut d’éclairage des feux arrière, du positionnement des vignettes sur le pare-brise et de la présence d’un autocollant reconnaissable, liste BFMTV.

  • Un téléphone soudainement éteint

Autre élément troublant : son deuxième téléphone portable dont il s’était gardé d’évoquer l’existence aux gendarmes, avant que ces derniers mettent la main dessus. La nuit de la disparition de la fillette, l’appareil a borné à plusieurs reprises, notamment à l’extérieur de la salle des fêtes. Le suspect assure être allé acheter de la cocaïne à proximité de l’endroit où son téléphone a borné.

Vers 4 heures du matin, lorsque les gendarmes arrivent sur les lieux de la cérémonie, le suspect n’était pas sur place, mais son téléphone a émis des ondes à proximité de la salle, avant de s’éteindre vers 7 heures, pour ne plus jamais émettre. Arguant un problème de réseau, l’enquête a en réalité révélé que le suspect l’avait éteint sciemment.

  • Où en sont les recherches de Maëlys ?

Dix gendarmes de la Section de recherches de Grenoble sont toujours affectés à plein-temps à cette enquête. Des recherches en forêt et dans les plans d’eau de la région se poursuivent. Si l’appel à témoins a faibli d’intensité, toutes les pistes restent explorées et rien n’est laissé de côté, selon une source proche du dossier.

Dimanche, trois mois après sa disparition, la mère de la petite fille a posté sur Facebook un émouvant diaporama de l’enfant. A Pontarlier (Doubs), où elle travaille comme infirmière de nuit, ses collègues de l’hôpital se cotisent en heures ou jours de travail pour faciliter son quotidien.