Nicolas Hulot, à Genève, le 30 novembre. / FABRICE COFFRINI/AFP

C’est fait, ou presque. Vendredi 1er décembre, les députés ont mis la dernière main au projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Ce texte, le premier défendu par le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, avait été voté en première lecture à l’Assemblée nationale le 10 octobre, avant d’être profondément remanié par le Sénat, le 8 novembre, à l’avantage des industriels du secteur pétrolier et gazier.

En nouvelle lecture, les députés ont, pour l’essentiel, rétabli le texte dans sa version initiale. Il devra encore repasser devant le Sénat avant son adoption définitive par l’Assemblée nationale, prévue le 19 décembre. Mais le projet, tel qu’il a été arrêté vendredi, ne devrait plus évoluer, sinon à la marge.

« Chacun a encore à l’esprit ce que nous a annoncé la communauté scientifique : qu’en matière de lutte contre le changement climatique, la fenêtre d’opportunité se réduisait et le seuil de l’irréversible se rapprochait », a plaidé en ouverture de séance M. Hulot, faisant référence à l’alerte sur l’état de la planète lancée par 15 000 scientifiques et publiée par Le Monde le 13 novembre.

« Le temps n’est plus à tergiverser. Il faut maintenant amorcer une impérieuse décrue des énergies fossiles (…) et larguer les amarres d’un monde crépusculaire », a poursuivi le ministre, en rappelant l’objectif de la France d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. D’où sa volonté de tarir la production nationale d’hydrocarbures, par une transition « douce » mais « irréversible ».

Portée symbolique

La portée de ce projet de loi est avant tout symbolique. L’extraction de pétrole du sous-sol français (800 000 tonnes en 2016) et celle de gaz (400 millions de mètres cubes) ne couvrent qu’environ 1 % de la consommation nationale. Ce secteur représente toutefois 1 500 emplois directs et 4 000 emplois indirects. Pour M. Hulot, il s’agit surtout de fixer un cap et de « donner à notre pays une vraie crédibilité sur la scène internationale en matière de lutte contre le changement climatique ».

Il sera donc « mis fin progressivement à la recherche et à l’exploitation du charbon et de tous les hydrocarbures liquides ou gazeux, quel que soit la technique employée, à l’exception du gaz de mine », ce dernier – plus connu sous le nom de grisou – devant être récupéré pour éviter un risque d’explosion. A compter de la promulgation de la loi, plus aucun nouveau permis de recherche ne sera ainsi délivré. Actuellement, trente-trois permis exclusifs de recherche sont en cours de validité en France, dont deux outre-mer : celui de Guyane, en haute mer, accordé à Total, et celui de Juan de Nova, en mer également, dans les Terres australes et antarctiques françaises.

En outre, les concessions déjà attribuées – au nombre de soixante-deux – ne pourront pas être renouvelées au-delà du 1er janvier 2040. Quant aux titres d’exploitation qui seront délivrés en vertu du « droit de suite » (celui-ci donne automatiquement lieu à un permis en cas de prospection fructueuse), ils ne pourront pas non plus excéder cette échéance, sauf si leurs titulaires démontrent que cette limitation ne leur permet pas de couvrir leurs dépenses et d’atteindre « l’équilibre économique ». Une échappatoire qui donne aux industriels la possibilité de continuer à sortir de terre quelques barrils de pétrole – « quelques gouttes » selon le ministre – après 2040.

Interdiction des gaz de schiste

Comme prévu, les députés ont supprimé les dérogations introduites par les sénateurs. Ceux-ci avaient accordé un passe-droit aux régions d’outre-mer. Ils avaient aussi décidé que la loi ne s’appliquerait qu’aux demandes de permis déposées après le 6 juillet – date de la présentation du « plan climat » de M. Hulot –, et non pas aux quarante-deux demandes en cours d’instruction. Les députés ont en revanche maintenu une exception, qu’ils avaient eux-mêmes votée en première lecture, au bénéfice du bassin de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) où du méthane est extrait en même temps que du gaz sulfuré servant à la production de soufre.

Avant cette nouvelle lecture à l’Assemblée, de vives discussions avaient eu lieu, entre parlementaires et ONG environnementales, sur la définition des hydrocarbures non conventionnels et de leurs techniques d’extraction. Depuis la loi du 13 juillet 2011, la fracturation hydraulique, seule méthode aujourd’hui disponible pour prélever ces produits dans la roche mère, au prix de graves nuisances environnementales, est bannie en France. Mais le recours à d’éventuelles solutions alternatives reste théoriquement possible.

Dans sa rédaction finale, le projet de loi ferme définitivement la porte aux gaz et huiles de schiste, ainsi qu’aux gaz et pétroles de réservoir compact. Et il interdit, outre la fracturation hydraulique elle-même, les techniques non conventionnelles équivalentes.

« Cette loi s’annonçait ambitieuse et nous avons soutenu son objectif, pour concrétiser les engagements de lutte contre le changement climatique pris par la France », réagit Juliette Renaud, chargée de campagne sur les énergies extractives aux Amis de la Terre. Toutefois, à ses yeux, le texte final est insuffisant. « Face au lobby pétrolier, juge-t-elle, Nicolas Hulot a fait preuve de frilosité. La loi, qui devait acter la fin des hydrocarbures, maintient en réalité un statu quo jusqu’en 2040. »