La chancelière allemande Angela Merkel quitte la réunion pour la création d’un nouveau gouvernement qui a eu lieu au palais Bellevue de Berlin, le 30 novembre. / Markus Schreiber / AP

Angela Merkel s’est entretenue jeudi 30 novembre au soir avec le président des sociaux-démocrates pour tenter de sortir l’Allemagne de la crise politique qui la mine, dans un contexte alourdi par une controverse autour de l’autorisation du glyphosate. L’entrevue au sommet entre la chancelière conservatrice et Martin Schulz a eu lieu à Berlin dans le bureau du chef de l’Etat Frank-Walter Steinmeier, médiateur dans cette crise. Entamée vers 20 heures, elle s’est achevée plus de deux heures plus tard.

Aucune communication n’était prévue à son issue : conservateurs et sociaux-démocrates devraient attendre vendredi, et des consultations internes, avant de fournir des informations sur les premiers résultats de la rencontre.

Cette réunion, à laquelle a également participé l’allié conservateur bavarois de Mme Merkel, Horst Seehofer, visait à sonder la possibilité d’une alliance en vue de former un nouveau gouvernement.

«Survie politique »

« Pour Merkel, c’est un combat pour sa survie politique qui commence », estime le Spiegel, « Merkel doit tout faire pour forger cette alliance, la seule susceptible de lui assurer un pouvoir stable ». Depuis plus d’un mois, l’Allemagne est dirigée par un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes, avec la chancelière conservatrice à sa tête. Et l’incertitude devrait durer jusqu’au printemps. « Il ne faut pas s’attendre à ce que ça aille vite », a prévenu jeudi soir le ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier, le social-démocrate Sigmar Gabriel, sur la chaîne de télévision publique ZDF.

En cause : les législatives de septembre, qui n’ont pas permis de dégager une majorité gouvernementale évidente, puis l’échec d’une tentative de constitution d’un gouvernement hétéroclite à quatre, démocrates-chrétiens de la chancelière (CDU), leur allié bavarois CSU, les Libéraux et les écologistes. Arithmétiquement, seule une poursuite de l’alliance existante depuis 2013 entre conservateurs et sociaux-démocrates du SPD peut permettre d’obtenir la majorité absolue.

Après avoir opté pour une cure d’opposition, le SPD a accepté de discuter sous la pression du président allemand, lui-même social-démocrate.

Gouvernement minoritaire ?

Selon un sondage diffusé jeudi, 61 % des Allemands sont favorables à l’ouverture de négociations sur le sujet. A défaut, ne resterait comme issue que de nouvelles élections. La rencontre de jeudi soir devait en principe mettre les consultations sur les rails. Mais des négociations sur un possible gouvernement commun ne commenceront au plus tôt qu’en janvier 2018.

Le SPD avance à reculons à l’idée de faire perdurer la coalition des deux grands partis rivaux au plan national, de crainte de nourrir par ce biais les extrêmes. Cette alliance a déjà dirigé l’Allemagne à deux reprises depuis 2005. Du coup, le SPD veut aussi discuter de l’idée de soutenir sur certains dossiers un gouvernement minoritaire des seuls conservateurs de la chancelière ou de la CDU alliée aux écologistes.

Angela Merkel a jusqu’ici exclu une telle formule, invoquant le besoin de stabilité de son pays. « Il y a en Europe de grandes attentes sur des questions urgentes », a argumenté la chancelière. « Nous allons sérieusement essayer de constituer avec les sociaux-démocrates un gouvernement stable, si le SPD y est prêt », a déclaré au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung de vendredi le ministre de l’Intérieur, le conservateur Thomas de Maizière.

Colère sur le glyphosate

Les discussions ne commencent pas sous les meilleurs auspices : les sociaux-démocrates ne décolèrent pas depuis que l’actuel ministre de l’Agriculture, Christian Schmidt, un CSU proche des milieux agricoles, a donné son feu vert à Bruxelles à la réautorisation de l’herbicide controversé glyphosate, sans concertation avec le reste de son gouvernement. Ce coup d’éclat « va sans aucun doute peser sur les négociations » avec les sociaux-démocrates, a convenu un responsable de la CDU, Carsten Linemann.

Avant la réunion chez le chef de l’Etat, la ministre de l’Environnement, la sociale-démocrate Barbara Hendricks, et M. Schmidt se sont toutefois rencontrés, envoyant ainsi un signal d’apaisement.

Les trois présidents de partis abordent de surcroît ces discussions en position plus faible à la suite des législatives, où tant les conservateurs que les sociaux-démocrates ont enregistré des scores décevants. Angela Merkel reste critiquée en interne pour sa politique migratoire, Horst Seehofer doit affronter une rébellion à la CSU de rivaux voulant sa place, tandis que Martin Schulz donne l’impression d’être un numéro un en sursis.