Une répétition, au Kremlin, à Moscou, le 30 novembre, à la veille du tirage au sort de la phase finale du Mondial 2018. / MLADEN ANTONOV / AFP

Editorial du « Monde ». Les présidents de la Fédération internationale de football (FIFA) et du Comité international olympique (CIO) sont parfois décrits comme plus puissants que les chefs d’Etat. Rien n’est plus faux. Ces deux institutions et leurs dirigeants démontrent depuis sept ans leur incapacité à répondre aux humiliations que leur inflige avec constance Vladimir Poutine.

Le président russe a tout mis en œuvre pour attirer dans son pays la Coupe du monde de football de juin 2018. Et il a choisi le Kremlin pour mettre en scène, vendredi 1er décembre, le tirage au sort de ce Mondial. Difficile de démontrer de façon plus éclatante – plus ostensible – que le sport est, à ses yeux, un instrument au service de son propre pouvoir.

Vitali Moutko sera assis en bonne place, en sa qualité de directeur du comité d’organisation. Pour avoir supervisé le système de dopage institutionnalisé ayant conduit la Russie à briller aux Jeux olympiques de Londres 2012 et de Sotchi 2014, le protégé du Kremlin a été promu vice-premier ministre, malgré la mise au jour de ces pratiques.

La charte olympique bafouée

La FIFA de Gianni Infantino n’a pas, tant s’en faut, banni l’homme fort du sport russe, bien que les manipulations d’échantillons aient aussi concerné des footballeurs. Le juriste indépendant ayant prononcé l’inéligibilité de M. Moutko pour un nouveau mandat au comité exécutif a été prestement écarté. La FIFA a accueilli à sa place son bras droit, Alexeï Sorokine.

En dépit de l’enquête de la justice suisse sur les flux d’argent douteux autour de l’attribution des Coupes du monde 2018 (et 2022 au Qatar), en dépit de l’inculpation, de la suspension ou du départ forcé de 13 des 22 élus ayant pris part à ce double vote, en dépit des blocages opposés par la Russie aux enquêteurs indépendants de la FIFA, l’instance de Zurich n’a jamais tenté de remettre en cause la Coupe du monde 2018.

De l’autre côté de la Suisse, à Lausanne, le CIO semble, lui aussi, apprécier de se faire circonvenir par la Russie, par son président qui cajole les dirigeants du sport mondial, par ses oligarques qui financent sans compter des stations de ski et par ses entreprises nationales qui irriguent l’économie sportive.

Le CIO n’a-t-il pas laissé la Russie bafouer, en 2014, sa charte olympique en saccageant la région de Sotchi pour y organiser les JO et en maintenant sa loi condamnant « la propagande de l’homosexualité » ? N’a-t-il pas laissé la délégation russe participer dans sa quasi-totalité à ceux de Rio, malgré la connaissance d’un système de dopage organisé dans de nombreuses disciplines ? N’a-t-il pas tenu à l’écart de ces mêmes JO la lanceuse d’alerte Ioulia Stepanova, à l’origine de cette cascade de révélations ?

Mardi 5 décembre, le CIO a l’occasion de mettre un terme à ce reniement permanent : il peut priver la Russie d’une participation aux Jeux d’hiver de Pyeongchang (Corée du Sud), en février 2018. Tout devrait conduire à une telle décision : le refus de l’Agence mondiale antidopage de réintégrer l’agence russe, autant que le récent verdict d’une commission d’enquête du CIO validant les accusations de triche organisée. Pourtant, le risque est réel que le président Thomas Bach trouve une porte de sortie aux athlètes de Vladimir Poutine.

Il est trop tard pour empêcher la Russie d’accueillir la Coupe du monde de football. Mais il est encore temps de l’empêcher de piétiner davantage les principes olympiques, ou ce qu’il en reste.