• Johann Sebastian Bach
    Magnificat in E Flat BWV 243a. Messe BWV 223. Cantate « Süsser Trost, mein Jesus kommt » BWV 151
    Hannah Morrison, Angela Hicks et Charlotte Ashley (sopranos), Eleanor Minney (mezzo), Reginald Mobley (contre-ténor), Hugo Hymas (ténor), Gianluca Buratto et Jake Muffet (basses), Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner (direction)

Pochette de l’album consacré à Johann Sebastian Bach par John Eliot Gardiner. / SOLI DEO GLORIA

Vertige de ferveur, tourbillon votif, le second Magnificat gravé par John Eliot Gardiner après une première révélation en 1983 chez Philips n’a rien perdu de sa fougueuse exaltation. Cette Vierge qui reçoit l’Annonciation n’est pas seulement « humble servante » mais une exaltée dont l’âme tressaille d’une joie incommensurable. Cet élan superbe, déjà irrépressible il y a 34 ans dans l’habituelle version en ré majeur, réclame plus encore dans la partition originale en mi-bémol majeur choisie ici par le chef d’orchestre britannique (ajout de quatre laudes et changements dans l’instrumentation) des interprètes hors du commun. Mais le Monteverdi Choir ne chante-t-il pas « au plus haut des cieux » ? Les English Baroque Soloists ayant rejoint depuis longtemps les nuées mythiques d’anges musiciens. Comme le Seigneur, Gardiner vomit les tièdes et ça s’entend : la Messe brève en fa majeur BWV 233 et la Cantate de Noël BWV 151 qui précèdent le Magnificat témoignent en effet à leur façon de la même et rigoureuse vision démiurgique. Marie-Aude Roux

1 CD Soli Deo Gloria.

  • Quatuor Les Dissonances
    Leos Janacek : Quatuor à cordes n° 2, « Lettres intimes ». Franz Schubert : Quatuor à cordes n° 14, « La Jeune Fille et la Mort »

Le premier CD du quatuor Les Dissonances, enregistré en live et commercialisé en livre. / LES DISSONANCES/HARMONIA MUNDI

Enregistré en live (il y a deux ans, à l’Opéra de Dijon) et commercialisé en livre (sobre mais élégant), le premier CD du quatuor Les Dissonances entretient les correspondances au plus haut niveau. Le rapprochement de Leos Janacek (1854-1928) et de Franz Schubert (1797-1828) est particulièrement éloquent. L’encre des « Lettres intimes » (le deuxième quatuor du Tchèque) et le sang de « La Jeune Fille et la Mort » (le quatorzième de l’Autrichien) sont de la même veine, passionnelle et intemporelle. Seules diffèrent les graphies, nerveuse pour l’un et appliquée pour l’autre. Du violon-stylet de David Grimal au cello-plume de Xavier Philips, le quatuor Les Dissonances préserve l’individualité de ses membres tout en obtenant un trait d’ensemble d’une rare netteté pour coucher sur le papier avec un même bonheur les visions fantasmagoriques des deux compositeurs. Pierre Gervasoni

1 CD Les Dissonances/Harmonia Mundi.

  • Björk
    Utopia

Pochette de l’album « Utopia », de Björk. / ONE LITTLE INDIAN

Depuis son disque Vespertine, en 2001, la chanteuse islandaise Björk s’est éloignée des formes pop à envies expérimentales interprétées en y mettant fantaisie et émotion, qui avaient attiré l’oreille dans ses albums des années 1990 (en particulier Debut, 1993 et Post, 1995). La recherche formelle (harpe et cordes, que des voix ou presque, instruments acoustiques mis en déformations…) a pris le pas sur la lisibilité mélodique et l’élan musical rythmique. C’est son droit de créatrice. Le nôtre étant d’avoir trouvé cela plutôt ennuyeux et relevant surtout de l’exercice de style. C’est à nouveau le cas avec Utopia. Cette fois pour enrober ses entrelacs vocaux, Björk a découvert les joies d’un accompagnement majoritaire par un ensemble de flûtes. Des striures rythmiques viennent par endroits (Courtship, Sue Me). On perçoit des effets de chœurs, un violoncelle, des chants d’oiseaux. Le tout est assez monotone, sans chansons saillantes en dehors de Blissing Me, emmenée par une harpe, ou le début de Loss. Sylvain Siclier

1 CD One Little Indian.

  • Scott Bradlee’s Postmodern Jukebox
    The Essentials

Pochette de l’album « The Essentials », du Scott Bradlee’s Postmodern Jukebox. / CONCORD MUSIC GROUP/UNIVERSAL MUSIC

Fondé en 2009 par le pianiste Scott Bradlee, l’orchestre Postmodern Jukebox s’est spécialisé dans la reprise de succès pop et rock dans un traitement jazz. Les originaux étant souvent des succès récents et le jazz relevant souvent des styles des premiers temps du genre, new orleans et swing, avec trombone, trompette bouchée et piano bastringue, et virée vers le cabaret. La compilation The Essentials regroupe dix-neuf exemples de ces reprises, apparues dans une quinzaine d’albums. Souvent plaisantes, dans plusieurs cas rendant quasi méconnaissables les chansons, quand les recueils de reprises se contentent le plus souvent de ne pas trop s’éloigner de leur sujet. Sorry (Justin Bieber), Lean On (Major Lazer et DJ Snake), Creep (Radiohead), Royals (Lorde) ou Oops !… I Did It Again (Britney Spears) ou Get Lucky (Daft Punk) étant parmi les adaptations les plus réussies. S. Si.

1 CD Concord Music Group/Universal Music.

  • Boubacar Traoré
    Dounia Tabolo

Pochette de l’album « Dounia Tabolo », de Boubacar Traoré. / LUSAFRICA/SONY MUSIC

Un nouveau disque de Boubacar Traoré donne souvent l’impression de retrouver le musicien malien là il nous avait laissés dans le disque précédent. On reconnaît encore avec plaisir dans celui-ci son chant mélancolique, cette voix rêche, cette guitare acoustique, ces mélodies qui rappellent le blues et le singularisent. Et puis aussi la ponctuation rythmique de la calebasse (Alassane Samaké), sans oublier la complicité fidèle de l’harmoniciste Vincent Bucher, hallucinant de justesse dans sa virtuosité, entre autres sur Dounia Tabolo, qui ouvre et donne son titre à l’album, une composition que le chanteur avait incluse dans un disque précédent, Kongo Magni, enregistré en 2004. Boubacar Traoré construit le répertoire de son disque essentiellement sur des reprises de ses propres compositions, mais avec un habillage différent. Son producteur Christian Mousset (inventeur du festival Musiques Métisses d’Angoulême) l’a emmené faire un tour du côté de la Louisiane. Enregistré à Lafayette, cet album s’enrichit donc des couleurs apportées par des musiciens du coin : Cedric Watson (violon et washboard), Corey Harris (voix et guitare) et Leyla McCalla (chant et violoncelle). Patrick Labesse

1 CD Lusafrica/Sony Music.