D’une lecture plus aisée (pertinence de la forme, qualité de l’édition) que le précédent volume (Molto espressivo, publié en 1999 par L’Harmattan), ce nouvel ­assortiment des écrits de Betsy Jolas est, nous dit-on, « le fait d’un compositeur ». Et c’est vrai. Son titre, De l’aube à minuit, effectue un double clin d’œil (la dualité est une constante biographique autant que technique dans le parcours de la musicienne franco-américaine née en 1926). D’une part, à la production de Claude ­Debussy (De l’aube à midi sur la mer, premier mouvement de La Mer) et d’autre part, à la sienne (Points d’aube, 1968, pour alto et treize instruments à vent). Il en résulte une sorte de puzzle dont chaque écrit est une pièce de nature à faire apparaître l’ensemble comme un autoportrait.

Profond et accessible

Peu de compositeurs savent être à la fois profonds et accessibles dans un texte comme y parvient Betsy Jolas. Il fallait voter sériel même si… (1965), Un choc très doux (sur Anton Webern, paru dans Le Monde, en 1983), Milhaud, Messiaen ; Maître et Maître (1996), tels sont, entre autres, les moments forts des Ecrits rassemblés dans une première partie avant une série d’Entretiens, dont le plus passionnant est celui (publié en 2013 dans la Nouvelle Revue d’Esthétique) portant sur l’opéra Schliemann. Des révélations sur les conditions désastreuses dans lesquelles l’ouvrage a été monté (à Lyon, en 1995), des réflexions sur la prosodie française et quantité d’extrapolations dont Betsy Jolas, extra­ordinaire conteuse, a le secret. De Mozart revisité en pleine ­forêt amazonienne jusqu’à Leonard Bernstein rencontré sur une route en faisant du stop.

Des hommages (par exemple à Nadia Boulanger), des notices d’œuvre, des éléments de corres­pondance (le premier fax envoyé par Henri Dutilleux, seul ­document, hélas, non daté), des annexes et une chronologie complètent ce bel ensemble. « Je sais que c’est bien quand je m’y reconnais », y confie Betsy Jolas à propos de sa musique. Il est alors tentant de la paraphraser pour attester que son livre est bien parce qu’on la reconnaît.

De l’aube à minuit. Betsy Jolas. Ecrits et entretiens réunis et édités par Alban Ramaut. 226 p. Editions Hermann, 30 €.

« De l’aube à minuit », Betsy Jolas. Ecrits et entretiens réunis et édités par Alban Ramaut. / EDITIONS HERMANN