Documentaire sur Arte à 22 h 40

Arte Sida, un héritage de l'époque coloniale 26 11 2016 22h15 50m 38
Durée : 07:52

L’enquête porte sur l’un des plus grands tueurs en série de l’histoire contemporaine : le sida. Des Etats-Unis à la République ­démocratique du Congo (RDC) en passant par la France ou la Bel­gique, le documentaire de Carl Gierstorfer nous emmène sur les traces du VIH qui a touché 70 millions de personnes et fait 40 millions de morts. Depuis le début des années 1980 et son apparition sur la Côte ouest américaine, on croyait tout savoir sur la propagation de cette maladie. Deux points fondamentaux n’avaient pourtant jamais été révélés aussi précisément : où et à quel moment le virus a-t-il été transmis à l’homme ? Quelle route africaine a-t-il empruntée ?

Dans cette enquête bien ficelée, menée sur un rythme soutenu, le réalisateur entend démontrer scientifiquement le rôle de la colonisation dans la propagation du VIH au début… du XXsiècle. Il suit au plus près les recherches du docteur belge Dirk Teuwen qui, après plusieurs fausses pistes dans le capharnaüm des archives et des hôpitaux de l’ancien Congo belge, parvient à retrouver des échantillons de prélèvements humains effectués sur des personnes décédées à Kinshasa dans les années 1960, et présentant les symptômes d’une contamination par le VIH.

Des milliers de personnes contaminées

Sur les 200 échantillons conservés dans de la paraffine puis analysés dans un laboratoire américain, trois vont se révéler positifs et permettre de reconstituer le génome complet du virus qui circulait alors à Kinshasa. Une chose semble sûre : au moment où le pays célébrait son indépendance, le tueur sévissait déjà dans l’ombre. Des centaines, voire des milliers de personnes étaient contaminées.

« Il fallait remonter à la source pour comprendre ce qui s’était exactement passé, explique le professeur Béatrice Hahn, spécialiste en virologie. Nous avons alors été convaincus qu’il fallait chercher du côté des virus qui affectent les primates. » La transmission par le chimpanzé à l’homme était connue. On savait qu’une morsure, une blessure ouverte au moment du dépeçage de l’animal et d’un contact sanguin suffisait pour être contaminé.

Mais où et quand s’est faite la première transmission ? En analysant les excréments de chimpanzés dans la jungle d’Afrique centrale avec des souches du virus, les scientifiques ont ciblé l’est du Cameroun et plus spécifiquement la région de la rivière Sangha. En suivant l’évolution, la mutation du virus entre les années 1960 et 1984, ils ont aussi pu remonter rétroactivement à son origine. Selon eux, il serait apparu en 1908.

Dirk Teuwen et ses collègues congolais examinent des échantillons de tissus des années 1970 qui ont été trouvés dans le sous-sol de l’hôpital de Kinshasa. / Renaat Lambeets/DOCDAYS Productions

A cette époque, le territoire est contrôlé par la France qui, avec des concessions privées, extrait de la forêt du bois ou du caoutchouc pour fournir le secteur automobile alors en pleine expansion. Il faut de la main-d’œuvre indigène, beaucoup de main-d’œuvre. Avec des images d’archives parfois insoutenables, le documentaire montre comment celle-ci est exploitée, maltraitée, usée. Et lorsque la maladie du sommeil sévit dans la région jusqu’aux environs de 1910, on vaccine dans les concessions privées des dizaines de milliers de personnes à la chaîne avec des aiguilles en acier. « Il suffit alors d’un patient atteint par le VIH pour en contaminer des milliers d’au­tres », démontre le film.

La progression du virus aurait également été accélérée par la syphilis, maladie vénérienne qui provoque des lésions touchant notamment les parties génitales, et multiplierait par 400 la probabilité d’une contamination par le virus. Dans la touffeur de cette forêt d’Afrique centrale, le virus aurait suivi le cours sinueux de la Sangha jusqu’à Kinshasa en quelques dizaines d’années. Avant de s’étendre sur le reste de la planète.

Sida, un héritage de l’époque coloniale, de Carl Gierstorfer (All.-Fr., 2013, 55 min).