Edouard Philippe, Premier ministre, visite le marché de Nouméa avec Sonia Lagarde, maire de Nouméa. / JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Arrivé en début de matinée samedi 2 décembre à Nouméa, Edouard Philippe a commencé son « cheminement » en Nouvelle-Calédonie par une cérémonie d’honneurs militaires, en compagnie de toutes les autorités locales, sur la place Bir-Hakeim. Puis il a effectué une courte déambulation au marché de la ville, la musique locale ayant cette fois remplacé la musique militaire, avant de commencer ses premiers entretiens politiques au siège du gouvernement territorial. Une rencontre dont le déroulement, jusqu’au dernier moment, est resté incertain puisque, la veille de l’arrivée du premier ministre, le gouvernement n’était toujours pas parvenu à élire son président.

Un président élu in extremis

A l’issue d’interminables négociations entre les différentes parties représentées au Congrès et au gouvernement, non-indépendantistes et indépendantistes, un accord s’est dessiné dans la soirée du jeudi 30 septembre. Convoqués vendredi matin par le haut-commissaire, Thierry Lataste, les onze membres du gouvernement ont élu Philippe Germain (Calédonie ensemble) à la présidence par dix voix sur onze – cinq loyalistes et cinq indépendantistes –, seul le représentant des Républicains calédoniens votant nul. Les dix voix se sont également portées sur l’indépendantiste Jean-Louis d’Anglebermes (Union calédonienne) pour la vice-présidence. C’est la première fois depuis 2009 que le gouvernement calédonien retrouve un mode de collégialité. « C’est un beau symbole, un geste fort, de renouer avec cet état d’esprit », s’est félicité M. Germain, mettant cet accord sur le compte de « la dynamique positive lancée lors de la réunion du comité des signataires », le 2 novembre à Matignon.

Le premier ministre a donc pu faire un premier tour de table avec les responsables de l’exécutif. Il a redit être déterminé à « faire en sorte que l’Etat jour pleinement son rôle et soit acteur du processus » qui doit mener à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté qui doit avoir lieu en novembre 2018 au plus tard. « L’Etat acteur, c’est un Etat qui prend ses responsabilités et qui fait part de ses orientations et de ses attentes, a indiqué M. Philippe dans un entretien aux Nouvelles calédoniennes de samedi. C’est aussi un Etat qui dit ce qui n’est pas possible. »

« Acquis irréversibles »

Reste à définir le « pas possible », tout le monde ici n’en ayant pas la même conception. La volonté du gouvernement, toutefois, est de parvenir à dégager le plus large front de rassemblement sur une définition commune. Dans le même entretien, M. Philippe ouvre quelques pistes de travail et de discussions avec les élus et les forces politiques de Nouvelle-Calédonie. Il précise bien que le référendum ne doit pas conduire à « revenir à un état passé », qu’« il y a des acquis irréversibles ». Pas question, par conséquent, de remettre en cause le haut niveau d’autonomie atteint par le territoire. Mais, ajoute-t-il, « ne nous interdisons pas d’être innovants » pour consolider « la construction du destin commun (…) l’horizon que chacun doit chercher à atteindre ».

Edouard Philippe, Premier ministre, est accueilli à l'hôtel de la province Sud de Nouvelle-Calédonie à Nouméa, samedi 2 décembre. / JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Après les rencontres de la matinée au gouvernement puis avec les élus de la province Sud, M. Philippe et les membres du comité des signataires de l’accord de Nouméa se sont réunis en début d’après-midi au Haut-Commissariat. C’était le premier temps fort de cette visite de quatre jours. Lors de la réunion du comité des signataires du 2 novembre, à Matignon, et de l’accord obtenu sur la composition de la liste électorale appelée à prendre part à la consultation de 2018, plusieurs groupes de travail avaient été mis en place sous l’autorité du haut-commissaire. Car il s’agit à présent d’avancer sur les modalités concrètes d’organisation du référendum et de préparer le lendemain de la consultation.

Préparer le référendum

A l’issue de cette réunion, le premier ministre a précisé la position du gouvernement. « Je souhaite que le congrès [du territoire] puisse proposer une date pour la tenue du référendum et la question qui sera posée », a-t-il indiqué sur le perron du Haut-Commissariat. Autrement dit, s’il réaffirme l’engagement de l’Etat à être acteur du processus, il souhaite également que les différentes parties prennent leurs responsabilités. L’Etat, alors, sera à leurs côtés pour faire émerger des points de convergence et engager une discussion sur ce qui se passera après le référendum. « Ce qui m’a frappé, c’est la profonde envie de l’ensemble des parties de donner toute sa chance au dialogue, pour déterminer les conditions d’une vie commune, pacifique, prospère, adaptée aux réalités de la Nouvelle-Calédonie », s’est félicité M. Philippe.

Le comité des signataires devrait se réunir de nouveau à Paris dans la première quinzaine de mars. D’ici là, les discussions au sein des groupes de travail mais aussi au congrès de Nouvelle-Calédonie vont se poursuivre. « J’ai bon espoir que, par une discussion intense, nous pouvons construire sur des valeurs communes », a assuré le premier ministre. Toutefois, si les différentes parties prenantes du congrès calédonien ne parvenaient pas à s’accorder, ce serait à l’Etat de reprendre la main pour mettre en œuvre le référendum à l’échéance prévue.

Des indépendantistes calédoniens manifestent place des Cocotiers durant le visite du Premier ministre Edouard Philippe à la mairie de Nouméa, samedi 2 décembre. / JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Tout en reconnaissant qu’« il y a des évolutions », Paul Néaoutyine, le dirigeant du Parti de libération kanak (Palika), président de la province Nord, constate qu’il y a encore des divergences, notamment sur le transfert des compétences prévues à l’article 27 de l’accord de Nouméa, portant sur le contrôle de légalité des provinces et des communes, la recherche et la communication audiovisuelle, ainsi que sur l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (Adraf). « Que ceux qui ont signé avec nous l’accord de Nouméa prennent leurs responsabilités, prévient le dirigeant indépendantiste. Je ne vois pas comment un processus de décolonisation qui prévoit l’accession à la pleine souveraineté pourrait se dénouer autrement que par le haut. »

Il reste bien du chemin à faire. Dans les trois jours à venir, le premier ministre va se rendre à la fois dans les îles Loyauté et dans la province Nord, où il rencontrera les élus de ces deux provinces dirigées par les indépendantistes. Avant de s’exprimer devant le congrès du territoire, à Nouméa, en point d’orgue de son déplacement.

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