Un an après les attentats du 13 novembre 2015, devant le Bataclan. / JOEL SAGET / AFP

« Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité », disait Jean Cocteau. C’est le message qu’a tenté de faire passer, en vain, Cédric Rey, lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Versailles, où il était jugé pour « tentative d’escroquerie » au préjudice du Fonds de garantie des victimes du terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Son mensonge ? S’être fait passer pour une victime des attentats du 13 novembre 2015. Sa vérité ? Celle d’un homme au « fond du gouffre », qui a trouvé dans les attentats de Paris et Saint-Denis ce qu’il a « toujours cherché » : une attention empathique infaillible.

Les juges l’ont condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme, avec maintient en détention. Une condamnation légèrement en deçà de celle requise par la procureure de la République, qui avait réclamé deux ans de prison ferme, évoquant « cette honte portée sur les victimes ».

Enfermé dans le mensonge

« Je voulais y être. » Mais, le soir du 13-Novembre, Cédric Rey n’est pas au Bataclan. Il apprend la nouvelle en rentrant de soirée et décide de « foncer sur place ». Il arrive à 0 h 16, alors que l’assaut vient d’être donné dans la salle de spectacle où les trois terroristes ont laissé derrière eux 90 morts.

Quinze jours durant, il reviendra devant les lieux des attaques, transformés en mémoriaux improvisés. Dès le lendemain, il y rencontre une « vraie » victime. « Moi aussi j’y étais, lui lance-t-il, sans vraiment savoir pourquoi. » L’engrenage mensonger est lancé. Des dizaines de médias reprennent son témoignage larmoyant : « A cette femme qui a pris des balles pour moi. »

Dans le même temps, Cédric Rey constitue son dossier de demande d’indemnisation auprès du FGTI – qui sera finalement rejeté à deux reprises. Il y joint notamment des expertises médicales faisant état d’un « état de stress post-traumatique » : crises d’angoisses, perte de poids, état de sidération… L’expertise médicale réalisée en vue de sa comparution a d’ailleurs confirmé « un réel mal-être », évoquant « une faille narcissique », chez ce jeune coutumier « des petits et gros mensonges ».

C’est là tout l’axe de défense de Cédric Rey. Parce qu’il « se considérait comme une victime », il a revêtu le costume de celles du 13-Novembre, recueillant enfin « une reconnaissance », qu’il n’a pas eue dans sa fratrie. « Tous ses frères ont réussi », sauf lui, concède sa mère. Pour être pleinement intégré au sein de l’association de victimes Life for Paris, Cédric Rey a fait une demande d’indemnisation – « et non pas pour toucher de l’argent ». L’avocat du FGTI a pourtant rappelé « l’insistance » du prévenu « pour faire avancer son dossier ». En six mois, « l’homme qui rêvait d’être une victime » a appelé « à 18 reprises », a souligné la procureure, considérant comme « simpliste » son « excuse » de s’être « enfermé dans le mensonge ».

Décrivant un homme « très affecté par sa détention », l’avocate de Cédric Rey a appelé les juges à choisir une « autre voie que l’incarcération », précisant que son ancien employé avait accepté de le réembaucher. « Qu’il aille affronter ces regards qu’il craint tant », a-t-elle plaidé. A l’annonce du jugement, le prévenu est sorti menotté, tête baissée, sans aucun regard sur la salle d’audience, qu’il a fui tout au long de son procès.