Le tirage au sort de la Coupe du monde de football 2018, à Moscou le 1er décembre. / KAI PFAFFENBACH / REUTERS

Malgré ses dénégations répétées, Didier Deschamps devra bien, un jour, reconnaître qu’il est servi par la chance. Vendredi 1er décembre, le tirage au sort de la prochaine Coupe du monde, organisée en Russie du 14 juin au 15 juillet 2018, a une nouvelle fois mis en évidence l’insolente baraka qui accompagne la carrière du sélectionneur français. Comme lors de l’édition brésilienne de 2014 (Honduras, Suisse, Equateur), le patron des Bleus a hérité d’une poule particulièrement abordable. Et c’est un doux euphémisme.

Dans la grande salle de concert du palais du Kremlin, Didier Deschamps et son adjoint, Guy Stephan, n’ont même pas esquissé un sourire de soulagement lorsque la main de l’ancienne star argentine Diego Maradona a placé leur sélection dans le groupe C, en compagnie de l’Australie, du Pérou et du Danemark. Tête de série en vertu de son septième rang au classement de la Fédération internationale de football (FIFA) d’octobre, l’équipe de France a évité les épouvantails que constituaient l’Espagne, l’Uruguay et l’Angleterre, ainsi que des formations coriaces comme la Suède ou le Nigeria.

« Ça aurait pu être pire, bien évidemment, a réagi Didier Deschamps, peu enclin à fanfaronner. La dernière fois, vous avez tous été unanimes pour dire que c’était un tirage merveilleux, même certains joueurs… Ça ne va pas se faire en claquant des doigts. Peu importe le groupe, on doit se qualifier pour les huitièmes de finale. On doit finir premier du groupe, ce sera notre objectif. »

« Il faut toujours faire attention »

A la Fédération française de football (FFF), on se garde bien de céder à tout triomphalisme. En dépit d’un tirage avantageux, il est arrivé que les Bleus ratent leur campagne. En attestent les fiascos des éditions 2002 – la sortie de route dès le premier tour des champions du monde 1998 – et 2010 avec l’épisode tragicomique de la grève du bus de Knysna, en Afrique du Sud.

« Il faut toujours faire attention, a prévenu Noël Le Graët, le président de la FFF. Quand on regarde l’histoire, on était en quarts de finale il y a quatre ans [élimination par les futurs champions du monde allemands], on était en finale de l’Euro [défaite face au Portugal]. L’équipe progresse mais elle n’est pas encore la meilleure du monde. » S’il n’a pas fixé d’objectif précis à Didier Deschamps en prolongeant le contrat de ce dernier jusqu’à l’Euro 2020, le dirigeant a manifesté son souhait de voir les Bleus atteindre le « dernier carré » du tournoi.

Didier Deschamps dispose désormais du calendrier de sa formation en phase de poules. Le 16 juin, à Kazan, ses protégés affronteront l’Australie (39e au classement FIFA), dépourvue de sélectionneur depuis la récente démission de l’entraîneur Ange Postecoglou. Emmenés par le vétéran (38 ans) Tim Cahill, les modestes Socceroos restent sur une déroute (0-6) face aux Tricolores, en match amical, en 2013.

Le 21 juin, à Ekaterinbourg, à 1 800 kilomètres de Moscou, les Bleus rencontreront le Pérou (11e au classement FIFA), sur une pente ascendante depuis ses deux demi-finales de Copa America, en 2015 et 2016. La très technique Blanquirroja s’appuie notamment sur ses efficaces attaquants Pablo Guerrero et Jefferson Farfan. Privée de Mondial depuis 1982, elle a composté son ticket pour l’édition russe en battant la Nouvelle-Zélande en barrage intercontinental.

Camp de base à Istra, près de Moscou

« La dernière fois qu’on a joué contre le Pérou [défaite des Bleus, en amical, en 1982], je devais être devant ma télé [Didier Deschamps avait alors 14 ans]. On aura le temps de superviser nos adversaires sur leurs matches amicaux », a confié le sélectionneur français, qui a déjà programmé une rencontre de préparation face à la Russie, à Moscou, le 27 mars, et une autre, quelques jours plus tard, face à un adversaire sud-américain restant à déterminer.

Pour son ultime match de phase de poules, l’équipe de France retrouvera le Danemark (12e au classement FIFA), le 26 juin, au Stade Loujniki de Moscou, une enceinte qui accueillera également le peu alléchant Russie-Arabie saoudite prévu en ouverture du tournoi.

La sélection scandinave, guidée par son talentueux milieu Christian Eriksen, est une vieille connaissance des Bleus puisque les deux pays se sont déjà affrontés à deux reprises (en 1998 et en 2002) au premier tour du tournoi. En Corée du Sud, les joueurs de Roger Lemerre avaient d’ailleurs été éliminés par les Danois, victorieux (2-0) à l’issue d’un duel crispant.

Sans attendre le tirage au sort, la FFF avait déjà choisi le complexe hôtelier quatre étoiles qui servira de camp de base aux Tricolores lors de la compétition. Il s’agit de l’hôtel Hilton Garden Inn Moscow New Riga d’Istra, une cité de 35 000 habitants où Anton Tchekhov exerça la médecine. Sur le plan logistique, la ville est située près de Moscou et à une heure de route de l’aéroport international Cheremetievo. Samedi 2 décembre, la FFF devait confirmer sa réservation pour ce « camp de base à la fois confortable et modeste », dixit Noël Le Graët.

Didier Deschamps échappe donc à une joute délicate face à l’un des favoris dès le premier tour. Ce n’est guère le cas de la Belgique, qui affrontera l’Angleterre au sein du groupe G. Tenante du titre, l’Allemagne a hérité d’une poule homogène avec le Mexique, la Suède et la Corée du Sud. Quant à la Russie, pays organisateur (65e au classement FIFA), éliminée au premier tour du Mondial 2014, elle n’aura cette fois pas le droit à l’erreur au sein d’un groupe à sa portée (Uruguay, Arabie saoudite, Egypte).

A l’aune de ce tirage clément, les Bleus peuvent légitimement se projeter vers les huitièmes de finale. Ils pourraient y rencontrer l’Argentine de Lionel Messi ou la Croatie de Luka Modric, qui devront écarter, dans le groupe D, l’Islande, révélation du dernier Euro, et le Nigeria.

Si d’aventure ils allaient plus loin dans le tournoi, ils pourraient retrouver, en quart de finale, l’Espagne ou les champions d’Europe portugais, dont le mano a mano va rythmer les débats au sein du groupe B, puis le Brésil de Neymar en demi-finale. « L’ambition doit être là », rappelle Didier Deschamps, guidé par sa bonne étoile.