Appelé à la rescousse par Nantes en juin, Claudio Ranieri fait depuis l’unanimité à la tête des « Canaris ». / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

6 août 2017, Villeneuve-d’Ascq (Nord). Marcelo Bielsa et Claudio Ranieri s’affrontent en ouverture du championnat de France. Le premier match officiel sous leurs nouvelles couleurs pour ces deux pointures du banc de touche. Coachés par « El Loco », les Lillois étrillent le FC Nantes (FCN) de Ranieri (3-0). Un score sans appel… et sans lendemain.

Depuis cette partie, tout ou presque a séparé les deux entraîneurs. Incapable de transcender un groupe englué en fond de classement, Bielsa a quitté le Nord le 22 novembre. Sur les bords de la Loire, l’Italien a lui réussi l’exploit de faire oublier le départ surprise en juin de son prédécesseur, le très apprécié Sergio Conceiçao.

« Peu importe le prestige de l’équipe »

Pris de court par le transfert du Lusitanien à Porto (Portugal), les dirigeants nantais ont rapidement fait le choix d’attirer un coach de renom. « Comme toute entreprise, on a géré le départ d’un cadre supérieur, tempère Waldemar Kita, président et propriétaire du FCN. Mais il nous fallait un très bon chef d’orchestre, un type d’expérience capable de se faire respecter du vestiaire. »

Claudio Ranieri a été désigné meilleur entraîneur en 2016, après son titre de championd’Angleterre avec Leicester. / FABRICE COFFRINI / AFP

En choisissant Claudio Ranieri, Nantes pouvait difficilement faire choix plus expérimenté. Libre depuis son limogeage de Leicester en février, l’Italien a dirigé une pléiade d’équipes dans sa carrière : Chelsea, Inter Milan, AS Rome, Juventus Turin, AS Monaco, Atletico Madrid. Un pedigree au milieu duquel le FCN et son histoire feraient presque pale figure. « Peu importe le prestige de l’équipe, réfute le sexagénaire. Seul compte pour moi de comprendre mes joueurs et de les pousser au maximum de leurs capacités. »

Dans les pas de Sergio Conceiçao

Le Romain a visiblement vite compris son effectif. Après quinze journées, Nantes pointe au 5e rang de la Ligue 1. Loin d’engager une rupture avec la méthode de son prédécesseur, Ranieri avait à cœur de développer les bases posées par Conceiçao. « Son excellent travail ici m’a encouragé à reprendre l’équipe, explique l’Italien. J’ai eu la chance de récupérer un groupe motivé et déjà formé. »

Souvent raillé pour son image de « looser » jusqu’au titre de champion d’Angleterre avec Leicester en 2016, le Transalpin a gardé intacte sa réputation d’excellent éducateur. De sa capacité à tirer le meilleur d’équipes aux moyens limités est né un surnom : « le Bricoleur ». « Je le prends comme un compliment, répond l’intéressé. Cette faculté d’adaptation permet des changements en cours de jeu et d’être moins prévisible pour l’adversaire. »

À l’image de Valentin Rongier, encouragé à occuper une position plus offensive au milieu de terrain nantais, Ranieri n’hésite pas à bouleverser les habitudes de joueurs qu’il estime sous-exploités. « Le changement de rôle ne s’impose pas, il nécessite une longue discussion, explique l’Italien. J’ai besoin que le joueur soit convaincu et confiant dans ses capacités à s’adapter. Sinon j’y renonce. »

Ancien attaquant de l’AS Monaco, Valère Germain se souvient de la révolution engagée par Ranieri lors de son passage en principauté (2012-2014) : « Nous n’avions jamais connu une telle exigence. Dès l’échauffement, tout devait être carré. On souffrait, mais cette charge quotidienne nous permettait d’être performants en match. » Loin de le caricaturer en coach froid et distant, l’actuel avant-centre marseillais décrit un homme proche de ses joueurs et jamais avare d’un trait d’humour. « À Noël, il nous avait offert une petite cloche avec son nom, en référence au son « diling-dong » qu’il émet à chaque retard d’un joueur. »

La tentation de la « Squadra azzura »

Réussis sur le terrain, les débuts de Ranieri au FCN sont aussi marqués par la sérénité et la stabilité qu’il dégage. Une gageure ces dernières années dans un club qui a vu défiler les entraîneurs (douze techniciens en dix ans) et se succéder les accrochages entre des coachs éphémères et leur président. « Quand tout va bien, pas besoin de mettre le nez, balaie Waldemar Kita. Mais si les résultats ne sont pas bons, je dois intervenir. Comme un patron. »

Les bons résultats ne suffisent cependant pas à dissiper certains doutes à l’égard de la direction du FCN. Au stade de la Beaujoire, des supporters continuent de dénoncer une gestion jugée « hyperpersonnalisée » du club. « On se réjouit du début de saison, mais les périodes d’euphorie sont de courte durée à Nantes, analyse Florian Le Teuff, président de l’association A la Nantaise. Il n’y a pas de ligne directrice dans la conduite du FCN. Kita est un acteur économique impulsif et non rationnel. »

En attendant la construction éventuelle d’un nouveau stade, qui cristallise les tensions avec les groupes de supporters, le propriétaire espère conserver quelques saisons celui qui a été élu meilleur entraîneur du monde en 2016. Face aux rumeurs évoquant des appels du pied de la fédération italienne pour confier à Ranieri les commandes de la « Squadra azzura », Kita a déjà annoncé qu’il éviterait tout bras de fer avec « El Mister » : « Il est normal qu’un entraîneur plus près de la fin de sa carrière que du début soit tenté par une telle proposition. Je serai honnête avec lui comme il l’a été à son arrivée à Nantes. Je ne le bloquerai pas. »