A Paris, en mars 2017. / ERIC PIERMONT / AFP

Installé aux commandes du groupe Fnac-Darty depuis le mois de juillet, Enrique Martinez, l’ancien directeur général de la Fnac en France, imprime sa marque. Lundi 4 décembre après la clôture de la Bourse, le successeur d’Alexandre Bompard, parti diriger Carrefour, a dévoilé son plan stratégique baptisé Confiance+.

Cette feuille de route, qui sera détaillée le 5 décembre aux investisseurs, témoigne d’une volonté d’accélérer l’intégration des deux enseignes après le rachat de Darty en avril 2016, et l’entrée de son nouvel actionnaire allemand Ceconomy (ex-Metro), à hauteur de 24,3 % de son capital en 2016, à la place de la famille Pinault. L’entreprise vise « à moyen terme un objectif de croissance supérieure à ses marchés et une marge opérationnelle de 4,5 % à 5 % », contre 2,5 % en 2016, avec « des gains de part de marché sur les trois grandes catégories de produits, en particulier sur les produits blancs ».

Pour tenir ces objectifs le groupe entend développer les magasins sur le territoire. « Pour être un acteur omnicanal, il faut être le meilleur sur le digital mais aussi avoir une base de magasins la plus large possible, explique, au Monde, M.Martinez. Dans les prochaines années, nous ouvrirons au moins 200 magasins en franchise dans les deux enseignes, en France comme à l’international ». En 2017, le groupe aura ouvert 74 magasins dans le monde, Fnac et Darty, en franchise à l’exception de quelques-uns, portant à 200 magasins le nombre de commerces en franchise dans le groupe à la fin de l’année.

Fnac-Darty génère environ 16 % de ses ventes en ligne

Une fois l’intégration des deux enseignes achevée, la croissance du groupe passera par l’ouverture progressive de son outil logistique à des tiers, « que ce soit pour profiter de nos magasins Fnac et Darty comme point relais ou entreposer la marchandise dans nos entrepots, notamment pour les vendeurs tiers de nos sites Internet », détaille M. Martinez, tout en précisant qu’il ne s’agit encore que d’un projet. Fnac-Darty génère environ 16 % de ses ventes en ligne. Le plan Confiance + prévoit une place de marché de la Fnac et de Darty « multi-enseignes et multi-pays dont le volume d’affaires devrait tripler par rapport à son niveau de 2016 », indique le communiqué du groupe.

Depuis plusieurs mois, l’imbrication des deux enseignes s’est poursuivie, que ce soit sur Internet comme dans les magasins. Retrait des commandes passées sur le site Internet de la Fnac dans les boutiques Darty, offres croisées de produits dans les enseignes, intégration de Darty sur la place de marché de la Fnac, vente de billetterie chez Darty… Début septembre, l’enseigne a inauguré une boutique Darty de 600 mètres carrés à l’intérieur de son magasin Fnac de Lille, où elle propose des articles de petit et de gros électroménager. Un format appelé à se développer, une vingtaine de ces « shop-in-shops » croisés devant être créées. En octobre, le groupe a lancé Darty +, un abonnement illimité aux services de livraison simultanément dans les deux enseignes, assistance et SAV, sur le modèle de celui de la Fnac.

L’objectif de 130 millions d’euros annuels de synergies entre Fnac et Darty avait été avancé d’un an à fin 2018. Au moins 60 % seront réalisés à fin 2017. Mais le groupe nourrit un autre projet d’envergure pour faire face à la guerre des prix qui sévit dans le secteur. L’entreprise discute depuis plusieurs mois avec Carrefour d’une alliance pour mutualiser leurs achats dans les produits électroniques et électroménagers. Depuis 2014, les groupes de distribution mutualisent leurs forces pour avoir plus de poids face aux grandes marques et ainsi réaliser des économies. Après les alliances dans l’alimentaire, les partenariats s’enchaînent dans le secteur des biens non alimentaires (machines à laver, téléviseurs, ordinateurs..). En témoigne les partenariats entre Casino et Conforama, Auchan et Boulanger. Autant de regroupements étroitement surveillés par l’Autorité de la concurrence, qui peut s’autosaisir en cas de risque pour les fournisseurs ou pour la concurrence entre enseignes et doit donner son aval pour les accords générant un volume d’affaires supérieur à 3 milliards d’euros.

Reste pour le groupe Fnac Darty l’épineuse question de la cession des magasins à la demande de l’autorité de la concurrence. Pour obtenir son aval pour le rachat du spécialiste de l’électroménager, le groupe s’était engagé en juillet 2016 à mettre une année pour trouver un repreneur pour 6 magasins situés à Paris et dans la région parisienne sur les 500 que compte le groupe en France. Trois d’entre eux ont été cédés, mais pour Darty Belleville, Darty Saint-Ouen et la Fnac du centre commercial de Beaugrenelle la situation est plus compliquée. L’autorité de la concurrence a rejeté fin juillet la proposition du groupe Dray de reprendre les deux premiers, au motif que la concurrence ne serait pas suffisante sur les marchés de produits électrodomestiques. Elle a aussi retoqué la demande de la Fnac qui souhaitait obtenir un délai pour tenir ses engagements. Le groupe a été rappelé à l’ordre par l’institution, en rappelant qu’il s’exposait à une sanction financière pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires. M. Martinez se veut rassurant : « Nous travaillons avec l’autorité de la concurrence, cela suit son cours ».