A Bangkok. / NICOLAS ASFOURI / AFP

Du formidable développement économique de l’Asie, on retient généralement qu’il a entraîné une réduction massive de la pauvreté. Mais ce « miracle asiatique » n’en est pas moins menacé par un creusement rapide des inégalités sociales. Tel est le message en forme d’avertissement délivré par la Banque mondiale (BM) : dans un rapport publié lundi 4 décembre, l’institution met en évidence « la concentration croissante de revenus et de richesses au sommet ».

Quelque 500 millions de personnes ont été tirées de l’extrême pauvreté dans la région Asie-Pacifique grâce à la croissance spectaculaire enregistrée lors des deux dernières décennies. Une classe moyenne a émergé. Selon les estimations de la BM, environ 60 % des habitants de la zone sont désormais à l’abri du besoin. Ils n’étaient qu’un peu plus de 20 % en 2002.

Croissance de la fortune des milliardaires

Mais ce modèle de développement, « longtemps synonyme d’équité », selon l’institution, n’est pas infaillible. La croissance a davantage favorisé les citoyens plus riches que ceux du bas de l’échelle des revenus. Ainsi, entre 1988 et 2012, les dépenses de consommation des 5 % les plus aisés ont augmenté de 400 dollars (338 euros) par an, mais de moins de 30 dollars pour les 20 % les plus pauvres et de 60 dollars pour le groupe médian (la moitié de la population gagne plus, l’autre moitié gagne moins).

L’Asie-Pacifique est aussi la région du monde où la fortune des milliardaires croît le plus rapidement : quelque 30 % par an entre 2002 et 2014, selon Forbes. Rien qu’en Thaïlande, celle-ci équivaut à 10 % du produit intérieur brut. Les fortunes accumulées par cette catégorie de super-riches nourrissent l’amertume et le sentiment de déclassement des populations. En Indonésie, près de 90 % des habitants pensent qu’il est urgent de s’attaquer au problème des inégalités. Les disparités de revenus sont jugées trop importantes par 90 % des Chinois et plus de 50 % des Philippins.

Risque élévé de basculement dans la pauvreté

Malgré la vague de prospérité des années passées, une bonne partie des classes moyennes reste privée de logements convenables, d’eau potable ou de collecte des ordures. Des services disponibles dans d’autres parties du monde arrivées au même stade de développement. Pis, un quart de la population régionale est « confronté à une probabilité élevée de basculer à nouveau dans la pauvreté », avertissent les auteurs du rapport.

Plusieurs facteurs sont susceptibles d’accélérer le phénomène. La pyramide des âges en fait partie, alors qu’une bonne partie de l’Asie risque « d’être vieille avant d’être riche ». Ces économies ont longtemps profité d’un dividende démographique, avec des populations jeunes et en expansion. Mais la donne est en train de s’inverser. A compter de 2025, la population active commencera à décliner.

Parmi les motifs d’inquiétude figure aussi la menace de disparition d’industries à forte intensité de main-d’œuvre. Le décollage de l’Asie s’est appuyé sur l’explosion du commerce mondial et la fragmentation des chaînes de production à travers la planète. Une source de croissance qui s’amenuise, alors que les échanges ralentissent et que la robotisation se développe.