Emmanuel Macron avec Anne Hidalgo devant le Bataclan, le 13 novembre 2017. / ALAIN GUILHOT / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Il y a Socrate, sainte Apolline d’Alexandrie et Martin Luther King. Et puis, il y a Ismaël Omar Mostefaï, l’un des trois terroristes qui ont attaqué le Bataclan, le 13 novembre 2015, laissant derrière eux 90 morts. Tous sont placés sur le même plan dans une exposition intitulée « Musée des martyrs », imaginée par Ida Grarup Nielsen et Henrik Grimbäck, deux artistes danois, membres du collectif The Other Eye of the Tiger (L’Autre œil du Tigre) et présentée à Berlin. Inaugurée la semaine dernière et prévue pour durer jusqu’à mercredi, elle suscite l’indignation, en Allemagne comme en France.

L’exposition est visible à la maison des artistes de Béthanie, lieu culturel berlinois alternatif, dans le quartier de Kreuzberg, et présente 20 figures historiques présentées comme des martyrs, des personnes « mortes pour leurs convictions ». A propos de d’Ismaël Omar Mostefaï, l’audioguide fourni par l’exposition précise qu’il « croyait qu’il devait se sacrifier dans la lutte contre la culture occidentale ».

Pour faire bonne mesure, le portrait d’Ismaël Omar Mostefaïe côtoie ceux de Mohammed Atta, le chef du commando du 11-Septembre, d’Ibrahim et Khalid El-Bakraoui, auteurs des attentats-suicides de Bruxelles, le 22 mars 2016, ou d’une adolescente kamikaze daguestanaise, auteure d’un attentat dans le métro de Moscou en 2010.

Indignation à Berlin et à Paris

L’ambassade de France à Berlin a fait part de sa « consternation », jugeant un « tel parti pris (…) profondément choquant ». « Tout en rappelant notre attachement à la liberté de la création artistique, nous dénonçons avec force la confusion ainsi faite entre martyre et terrorisme », a-t-elle fait savoir dans un communiqué.

En France, l’association Life for Paris, qui regroupe des victimes des attentats du 13-Novembre, explique au Parisien, lundi 4 décembre : « On a toujours soutenu la création artistique, comme thérapie notamment. Mais là, on est révulsés : il s’agit d’une provocation haineuse et intolérable à visée purement médiatique. » Nicolas Dupont-Aignan et Eric Ciotti ont aussi fait part de leur consternation.

La mairie de Berlin s’est officiellement désolidarisée de cette exposition, assurant qu’elle ne « la soutenait pas » ni ne la finançait. Figure du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), la députée de Berlin Beatrix von Storch a annoncé sur Twitter avoir porté plainte « pour apologie publique de meurtre ».

Le concept de martyr et ses différentes acceptions

Une précédente exposition sur les « martyrs » du collectif The Other Eye of the Tiger, dans un ancien abattoir, avait déjà fait l’objet en 2016 au Danemark d’une plainte pour « apologie de terrorisme ».

L’ensemble des personnages cités « ont été désignés comme martyrs par un Etat, une religion ou une organisation. Aucun ne l’a été par les artistes » eux-mêmes, insistent dans un communiqué les auteurs de l’exposition, disant prendre leurs distances avec toute forme de violence et de terrorisme. L’exposition veut montrer « l’étendue de l’usage du terme martyr » et son « incohérence en fonction des différents contextes et des positions géographiques à travers l’histoire », poursuivent-ils.

« Les artistes ont cherché à élargir le concept du martyr », a expliqué dans le quotidien Bild Ricarda Ciontos, responsable du Festival Nordwind qui présente l’exposition. Dans un communiqué, le festival appelle à « visiter l’exposition avant de porter un jugement ».

Sur le site de la Radio Berlin-Brandburg, Ricarda Ciontos poursuit : « le terme martyr est utilisé de manière très différente dans notre pays et dans d’autres pays ou cultures, comme les musées des martyrs en Iran ou en Irak qui honorent les personnes que nous considérons comme des meurtriers et des terroristes. »