Ahmed Chafik, à Abou Dhabi (Emirats arabes unis), en 2013. / JUMANA EL HELOUEH / REUTERS

Lorsqu’il a annoncé, mercredi 29 novembre, sa candidature à l’élection présidentielle égyptienne de 2018 depuis les Emirats arabes unis, où il est parti vivre en exil, après sa défaite au scrutin de 2012, pour échapper à des affaires de corruption, Ahmed Chafik ne s’attendait pas à revenir aussi vite en Egypte.

Et à y annoncer, au lendemain de son retour forcé samedi, reconsidérer sa décision de se présenter face au président Abdel Fattah Al-Sissi. L’ex-ministre de l’aviation civile et dernier premier ministre de Hosni Moubarak, avant sa chute en février 2011, se retrouve au cœur d’un imbroglio presque aussi rocambolesque que l’affaire Hariri au Liban, sauf que M. Chafik n’était que candidat.

C’est en France que l’ancien général de l’armée de l’air de 76 ans avait prévu d’entamer une tournée auprès des Egyptiens de l’étranger. Mais les Emirats, principaux alliés du président Sissi, l’ont empêché de quitter leur territoire, s’est aussitôt plaint M. Chafik auprès des médias. Offusquées par tant d’ingratitude, les autorités d’Abou Dhabi l’ont interpellé samedi à son domicile et l’ont expulsé vers Le Caire, selon deux de ses proches.

Les circonstances de son retour, et sa décision soudaine de reconsidérer sa candidature, laissent planer quelques doutes quant aux pressions qu’il a pu subir

Sans nouvelles de lui depuis son arrivée en catimini en Egypte, ses proches – restés aux Emirats – et son avocate en Egypte ont alerté les médias dimanche soir, craignant qu’il ait été arrêté. Quelques heures plus tard, depuis un hôtel de la banlieue du Caire, M. Chafik est finalement sorti de son silence pour démentir, au micro de la chaîne privée Dream TV, les rumeurs d’arrestation.

Mais les circonstances de son retour, et sa décision soudaine de reconsidérer sa candidature, laissent planer quelques doutes quant aux pressions qu’il a pu subir. L’homme n’en dira pas plus. « M. Chafik n’est pas autorisé à parler à la presse », a fait savoir au Monde son équipe de campagne.

« Le message qui nous est envoyé à tous est que quiconque osera se présenter face au président Sissi en paiera les conséquences », commente Khaled Dawood, porte-parole d’un autre candidat déclaré, l’avocat défenseur des droits de l’homme Khaled Ali. M. Chafik, ancien homme du sérail qui a gardé des relais au sein de l’Etat, était considéré comme un candidat sérieux face au président Sissi.

Plébiscité lors de son élection en 2014, le chef de l’Etat a vu sa popularité chuter depuis l’introduction de réformes économiques qui ont durement affecté la population. Même au sein du petit milieu des révolutionnaires de 2011, nombreux envisageaient de voter Chafik, un vote contre-nature mais considéré utile au nom du « tout-sauf-Sissi ».