Chute d’un indice boursier. / ERIC PIERMONT / AFP

Tribune. Lors de la décennie écoulée, l’analyse économique n’a été que de peu de secours pour prédire l’évolution des marchés, du fait des interventions des banques centrales qui en ont largement faussé les prix, les écartant de manière manifeste de la réalité économique. En 2018, l’amenuisement de l’offre de liquidité par ces mêmes banques centrales devrait normalement restituer à la science économique ses qualités prédictives pour les marchés financiers. Toutefois, le monde a changé entre-temps, et l’analyse économique pourrait bien se révéler à nouveau trompeuse.

La pénétration du numérique dans l’économie est incontestablement créatrice de valeur, mais les outils utilisés par les économistes ne sont pas encore à même de la mesurer correctement. Ils savent donner une valeur aux installations et à l’équipement, mais ils éprouvent des difficultés à évaluer les bases de données ou l’activité sur le « cloud » [stockage en réseau]. Ceci résulte certainement en une sous-estimation des chiffres d’investissement, de productivité, et de produit intérieur brut (PIB).

Le mystère de la « reprise de la croissance sans inflation », quant à lui, laisse les économistes et les marchés obligataires perplexes et serait mieux compris si les économistes parvenaient à creuser davantage leur réflexion sur les effets déflationnistes des nouvelles technologies.

Si les avis des économistes doivent ainsi continuer d’être pris en compte avec une certaine réserve, sur quoi, alors, peut-on fonder une vision des marchés financiers pour l’année 2018 ? Tout d’abord et quels qu’en soient les chiffres précis, il ne fait pas de doute que l’économie mondiale est en train de récupérer progressivement des effets de la grande crise financière.

L’économie américaine a déjà démontré qu’elle était capable de poursuivre sa croissance avec un soutien monétaire réduit. Le dynamisme actuel affiché par l’Europe, les marchés émergents ou le Japon crédibilise le fait que ces économies puissent également résister à des conditions financières un peu moins favorables en 2018.

En outre, il est plausible que le cycle de l’économie américaine, indépendamment de la réforme fiscale à venir, soit sur le point de montrer des signes de fatigue, de même que celui de la Chine et du Japon, alors que l’Europe qui s’est relevée plus tard ainsi que certains pays émergents feront preuve d’une meilleure vitalité.

Par conséquent, le scénario global sur lequel nous aurions tendance à nous arrêter serait celui d’un léger ralentissement mondial. Une telle hypothèse justifie de privilégier les actions européennes et celles des marchés émergents, mais aussi en titres de grande qualité et à haute visibilité plutôt qu’en titres dépendant du cycle économique.

Les marchés obligataires sont certainement ceux où les prix ont été le plus faussés par les banques centrales, que ce soit en matière de crédit ou de dette souveraine, et ce, en Europe particulièrement. C’est pourquoi il semble sage de rester sur un profil de risque faible sur les marchés obligataires, à l’exception de quelques sous-groupes sectoriels très ciblés, tels que les dettes bancaires européennes subordonnées [remboursées après celles des autres créanciers], le crédit structuré ou quelques obligations souveraines de marchés émergents comme la dette mexicaine locale.

En réalité, le principal risque pour les marchés en 2018 ne provient pas tant de l’économie que de leur fragilité technique. Les fonds indiciels et les fonds spéculatifs risk parity [fonds qui pondèrent les classes d’actifs en fonction de leur rendement et de leur risque] ont accumulé des masses d’actifs considérables, sur l’hypothèse que la volatilité resterait solidement confinée, à l’image de celle des années précédentes.

Il se peut qu’ils continuent d’avoir raison. Mais de nombreuses incertitudes pourraient aussi à bon droit créer des pics de volatilité : la peur d’un retour des tentations protectionnistes, des perturbations sur le marché pétrolier, des tensions géopolitiques, des erreurs de politique monétaire, ou encore un cycle économique décevant, la résurgence de l’inflation ou tout simplement le désir de prises de bénéfices.

Lorsque les niveaux de marchés reflètent une confiance absolue, que ce soit par les multiples de résultats élevés des marchés actions, les niveaux de taux d’intérêts extrêmement faibles, les écarts de taux de crédit et la volatilité à des plus bas historiques, et que la gestion passive, systématique est au plus haut, il est important de garder à l’esprit que les risques de marchés sont devenus asymétriques. Ceci pourrait préfigurer un retour de la gestion du risque comme outil de performance clé en 2018, après cinq années d’absence.