Depuis près de dix ans, Jérémie Lenoir photographie des paysages contemporains. Il s’est particulièrement intéressé aux modifications des frontières ville-campagne à travers son projet « Marges ». Ci-contre, « Circuit, Linas », 2012 / Jérémie Lenoir

En matière de foncier, Karl Olive, maire de Poissy (Yvelines) depuis 2014, s’adapte au terrain. Chaque dossier, rénovation ou neuf, est traité de manière différente, parfois inattendue, mais toujours vite.

Premier exemple : la cité de la Coudraie, ce quartier de Poissy où il est né. Celle ou Jacques Audiard a tourné Dheepan, film sur l’arrivée d’une famille de réfugiés dans une cité française. Construite par ­Simca Chrysler pour ses ouvriers, la ­Coudraie fut emblématique des « trente glorieuses », avec ses 600 logements ­sociaux. Dans sa tour de onze étages, Karl Olive vivait avec des voisins de multiples nationalités.

« Nouvelles règles du jeu »

A peine élu, il retourne à la Coudraie et annonce qu’il défait ce qu’avait voulu son prédécesseur socialiste qui, lui-même, s’était fait élire en prenant le ­contre-pied de l’UMP précédent. « Depuis le début des années 1990 où le RPR voulait tout raser, c’était la guérilla permanente avec les habitants, se rappelle-t-il. Il fallait bien évidemment rénover, mais j’ai fixé tout de suite les nouvelles règles du jeu. D’abord en amenant trois promoteurs pour discuter et travailler avec les habitants. Ensuite en obligeant à la mixité ­sociale. Cette mixité, je l’ai vécue et aimée. J’ai renvoyé tous les promoteurs qui ­venaient me proposer de réaliser “Les Hauts-de-Poissy”. Certes, le site sur sa colline est superbe. Mais l’identité, c’est la Coudraie. Et la Coudraie c’est mixte. »

Infographie Le Monde

Il impose le mélange comme il impose aux promoteurs de vendre de 10 % à 20 % moins cher aux habitants de Poissy. Il refuse l’implantation de commerces à l’extérieur du quartier que voulait l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les place au pied des immeubles. Il veut créer une cité qui vit. Plus loin, au cœur d’un square, il imagine le Jardin de l’olivier, lieu de tolérance et d’échange, inauguré en présence des représentants des différents cultes en septembre 2016.

Deuxième exemple : le futur centre d’entraînement du PSG, le célèbre club de foot parisien. Un investissement estimé entre 250 et 300 millions d’euros, sur une zone de 74 hectares, pour 15 terrains de football. Situé à quelques centaines de mètre de la Coudraie, le maire précédent souhaitait y construire un centre commercial. Appuyé par David Douillet, ­ancien champion olympique de judo, député de Poissy entre 2012 et 2017 – après avoir été ministre des sports –, Karl Olive, ex-directeur des sports de Canal+, imagine, dans un premier temps, un pôle ­régional sportif consacré aux familles.

« Déclaration d’utilité publique »

Avec Pierre Bédier, le président du ­conseil départemental, il acquiert les 30 premiers hectares. Pendant des mois, sans rien dire pour ne pas faire grimper les prix, il achète les parcelles une par une, au porte-à-porte. Et entame parallèlement des négociations avec le PSG qui cherchait un nouveau lieu pour son centre d’entraînement. Ces discussions se ­révèlent fructueuses. Le PSG annonce son choix en juillet 2016. « A peine l’information connue, Porsche nous appelait pour implanter son centre régional. Là j’ai compris qu’on avait gagné la bataille de l’image et de l’attractivité », déclare-t-il avec le sourire.

Troisième exemple : la ZAC Rouget-de-Lisle, en plein milieu de Poissy, une friche de fonderie de 10 hectares sur laquelle les maires se sont escrimés en vain depuis 1965. Alors que la municipalité ne possède que la moitié des terrains, le maire lance les travaux. « Il faut faire venir les grues au fur et à mesure de l’acquisition des terrains et envoyer des signaux forts à ceux qui ne veulent pas vendre. Ils comprennent que le coup est parti et que cela finira par une déclaration d’utilité publique s’il le faut. » Lorsqu’il commence le chantier, le maire ne sait pas que le constructeur automobile PSA va implanter son centre de recherche et développement à proximité. Le besoin de logements n’en est que plus pressant. Cerise sur le gâteau : le conseil régional, voyant les investissements menés sur la ZAC Rouget-de-Lisle, décide de dévier le futur tramway pour lui offrir une station.

Porté par sa bonne fortune, le maire ­bâtisseur vient de s’engager dans un autre chantier : un plan, entre la Coudraie et le camp du PSG, sur un terrain totalement privé, de 600 logements dont 450 pour les primo-accédants et jeunes actifs de Poissy, à 3 300 euros le mètre carré.

Ce supplément est réalisé en partenariat avec l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France (Epfif).