Les jeunes qui se destinent à exercer en milieu rural estime que cela permet une plus grande proximité avec les patients. / Fred Tanneau/AFP

L’éloignement des plaisirs urbains et l’isolement professionnel ne sont pas les seules raisons de la réticence des médecins à s’installer en zone rurale. Entre l’épreuve classante nationale qui hiérarchise les spécialités et le peu de généralistes parmi le corps professoral, « l’université ne pousse pas à faire de la médecine générale, et encore moins en milieu rural », constate Luc Charbonnier, étudiant en cinquième année de médecine à Limoges.

« J’ai toujours vécu en milieu rural, je ne me vois pas vivre ailleurs », explique Whitney Didier, qui vient de terminer son internat. Elle exercera bientôt à Saint-Colomban (Loire-Atlantique). « Il y a plus de proximité et d’échanges avec les patients, je trouve cela plus sain », dit l’étudiante. Florence Martin aussi tient à perpétuer cette « culture » qu’elle connaît depuis sa jeunesse : « Je veux participer à la solidarité rurale. » Dans cinq ans, elle s’installera donc à Thorey-en-Plaine (Côte-d’Or), conformément au contrat d’engagement de service public (CESP) qu’elle a signé.

Le CESP prévoit une allocation de 1 200 euros par mois pour les étudiants qui s’engagent à s’installer, pendant une période égale à la durée des versements, dans une zone désertée. « Je ne vois pas l’intérêt de s’installer quelque part où il y a déjà beaucoup de médecins », ajoute Hélène Mathieu. Elle aussi a signé un CESP pour s’installer en zone de montagne, dans les Pyrénées ou dans les Alpes.

Des conditions de travail très exigeantes

La faible densité médicale et cette proximité avec les patients impliquent pourtant des conditions de travail très exigeantes. « On est en flux tendu, de 8 h 30 à 20 heures, avec une demi-heure de pause pour déjeuner, décrit Marie-Christine Eustache, médecin généraliste au pôle de santé qu’elle a créé à Livarot (Calvados). Mais le fait de travailler avec d’autres généralistes, des spécialistes et des infirmiers nous permet d’avoir au moins une demi-journée de pause par semaine, et surtout d’être moins seul face à la responsabilité médicale. »

La complexité des soins fait partie de la réalité de la médecine de campagne, puisque les patients ont moins accès aux spécialistes qu’en ville. « On soigne les gens de la naissance jusqu’à la fin de vie, et on fait des actes qui, en ville, seraient effectués à l’hôpital », rappelle Marie-Christine Eustache. Cette pression qui est aussi morale peut donner à certains l’impression d’être pris au piège. Mais cela peut être allégé « en travaillant avec une bonne équipe d’accueil et de secrétariat », souligne Emmanuel Perazzi, installé à Mauriac (Cantal) depuis trois ans.

Comment les aspirants ruraux anticipent-ils ces difficultés ? Tous comptent s’associer. Pas question de faire des semaines interminables « comme il y a cinquante ans », dit Hélène Mathieu. Elle reconnaît que cet aspect du métier la préoccupe, mais se dit convaincue qu’en s’associant avec d’autres médecins elle aura le temps « d’avoir une vie normale ». Pour Whitney Didier, « ce métier ne doit pas devenir un sacerdoce. Je vais commencer à deux jours par semaine en faisant des remplacements, et je n’irai pas au-delà de quatre jours par semaine ». Concernant la complexité des cas, « c’est super intéressant, s’enthousiasme-t-elle. On apprend énormément de choses à l’hôpital, alors pourquoi ne plus s’en servir pendant sa vie professionnelle ? »