Johnny hallyday est mort dans la nuit de mardi à mercredi 6 décembre. Pourquoi sa mort a-t-elle une telle résonance auprès des Français et des Françaises ? Dans un tchat, le responsable du service culture du Monde, Guillaume Fraissard, a répondu aux questions d’internautes.

Comment expliquer le fait que Johnny ait eu un tel impact ? Est-ce que cela va au-delà de ce qu’il chantait ? Est-ce que cela relève plus d’un phénomène « sociologique » ?

Guillaume Fraissard : Il y a plusieurs réponses à cette question. Tout d’abord Johnny a été médiatisé extrêmement jeune. Quand il débute, en 1959, il a tout juste 16 ans. Il est donc entré très jeune dans la mémoire collective des Français qui ont suivi toute sa carrière artistique mais également sa vie privée : dès son service militaire, Johnny s’est retrouvé dans les magazines, les journaux, à la télévision.

Johnny est aussi issu d’un milieu populaire, il a eu une enfance compliquée et cela participe du phénomène de grande sympathie dont il bénéficie dès le début.

Il incarne ainsi, au fil des années, une sorte de héros ordinaire qui a su rester proche des gens à la fois par ses chansons mais aussi par ses concerts : sur scène, Johnny ne se ménageait jamais, il donnait tout pour le plus grand plaisir de ses fans.

La médiatisation de sa vie privée — ses divers mariages, ses déboires avec le fisc, ses déménagements en Suisse ou à Los Angeles, ses confessions sur ses addictions, ses filles adoptives —, tout cela ne l’aura jamais éloigné de son public mais au contraire l’aura rapproché des gens.

Johnny était un bon vivant et cela renforçait l’identification à ce personnage qui était le même à la ville et à la scène. C’est du moins l’image que cette grande médiatisation renvoyait.

Enfin, même si sa carrière a connu quelques creux, le fait qu’il se soit entouré d’auteurs à la mode a fait qu’il n’a presque jamais disparu des classements de ventes de disques et des playlists des radios.

Justement, Johnny était plutôt un interprète. Ou alors, a-t-il aussi composé lui-même des chansons à succès ?

Johnny est principalement connu comme interprète même s’il a composé la musique d’une centaine de ses chansons. Au début de sa carrière, il adapte en français des chansons en anglais. André Salvet, Gilbert Guenet ou encore Jean Setti sont ses premiers paroliers. En 1961, Charles Aznavour lui écrit Il faut saisir sa chance et Retiens la nuit.

Tout au long de sa carrière, Johnny aura chanté les textes d’auteurs et de compositeurs célèbres : on peut citer Philippe Labro (Jésus Christ, Oh ! ma jolie Sarah), Jacques Lanzmann (Lire dans tes yeux), puis Didier Barbelivien, Pierre Delanoé, Michel Mallory.

Avec quel compositeur ou musicien a-t-il le plus collaboré ?

En 1985, Michel Berger lui compose l’album Rock’n’Roll Attitude, avec les tubes « Quelque chose de Tennessee » et « Rock’n’roll Attitude ».

Un an plus tard, Jean-Jacques Goldman lui assure un retour encore plus spectaculaire avec l’album Gang et ses chansons phares « Laura », « Je te promets », « L’Envie »…

Etienne Roda-Gil, Patrick Bruel, Zazie (Allumer le feu), Gérald de Palmas, Mathieu Chedid, Miossec, Philippe Djian, Marc Lavoine font partie des nombreux artistes ayant travaillé pour Johnny Hallyday.

Pourquoi la carrière de Johnny à l’étranger n’a-t-elle pas été aussi légendaire que celle qu’il a eue en France ? L’absence de chansons en anglais ? Mais alors pourquoi Johnny n’a-t-il jamais ou très peu chanté en anglais ?

Johnny s’est fait connaître au début de sa carrière avec, essentiellement, des adaptations de standards américains. Les Américains avaient Elvis, ils n’avaient pas vraiment besoin de Johnny, si on veut résumer rapidement. Il était donc plus compliqué pour lui d’intéresser les radios anglo-saxonnes.

A la différence d’un chanteur comme Charles Aznavour qui, dès ses débuts, a chanté des deux côtés de l’Atlantique, Johnny est avant tout une vedette française.

Si on regarde les artistes français qui ont bien marché à l’étranger — Edith Piaf, Mireille Mathieu, Patricia Kaas, Zaz aujourd’hui —, on remarque que ce sont des artistes « à voix » qui incarnent, qui véhiculent une certaine idée de la France.

En multipliant les styles au gré de ses albums, Johnny a sans doute eu une carrière moins lisible et moins exportable à l’étranger. Johnny a surtout joué en Suisse en en Belgique.

Sa carrière américaine se résume pour l’essentiel au concert du 24 novembre 1996, dans la salle de spectacle de l’hôtel-casino Aladdin de Las Vegas (Nevada), et à une petite tournée en Amérique du Nord du 24 avril au 15 mai 2014.

Johnny Hallyday, une vie de rocker
Durée : 04:55