Saad Hariri, le 5 décembre au palais présidentiel du Liban, à Baabda. / JOSEPH EID / AFP

La crise politique libanaise, ouverte par la démission surprise du premier ministre, Saad Hariri, le 4 novembre, s’est refermée mardi 5 décembre, sur un retour au statu quo ante.

Le chef du Courant du futur, à dominante sunnite, qui avait annoncé son retrait du pouvoir depuis Riyad, en l’imputant à l’Iran et au mouvement chiite libanais Hezbollah, accusés de mainmise sur le pays du Cèdre et d’ingérence dans les affaires des Etats arabes, a retiré sa démission. En contrepartie, les forces politiques représentées au sein du gouvernement, dont le Hezbollah, ont réaffirmé leur attachement au principe de « distanciation », déjà prôné par cet exécutif, lors de sa formation, fin 2016.

« Le gouvernement libanais, dans toutes ses composantes politiques, décide de se tenir à l’écart de tout conflit, de toute guerre et des affaires intérieures des pays arabes », précise le communiqué lu par M. Hariri, à l’issue du conseil des ministres organisé mardi. Cette ­attitude vise à « préserver les relations politiques et économiques du Liban avec ses frères arabes », est-il ajouté. Dans la foulée, la France a annoncé qu’une réunion du groupe de soutien international au Liban se tiendrait vendredi, à Paris, en présence de M. Hariri.

Le document envoyé lundi soir à tous les ministres, qui formalise l’accord de sortie de crise, ne fournit aucun détail concret sur la manière dont la « distanciation » sera mise en œuvre. Un mois et un jour de hautes tensions politiques, qui ont semé la crainte d’un nouvel embrasement du Liban, sonné l’alarme dans les chancelleries arabes et occidentales et fait la « une » des médias du monde entier, s’achèvent donc sur une simple promesse.

Reconduire une coalition imparfaite

Pour le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman, principal instigateur de cette rocambolesque affaire, cela ressemble à un camouflet. Le fils du roi est très largement soupçonné d’avoir forcé M. Hariri à démissionner, dans le but de dresser le camp sunnite contre le Hezbollah et de renégocier un nouvel accord de coalition, plus favorable aux intérêts saoudiens. La couronne saoudienne considère le mouvement chiite, qui combat en Syrie aux côtés des forces loyalistes, comme une extension de l’Iran, son ennemi numéro un dans la région. Le royaume accuse aussi ce parti-milice de soutenir militairement les rebelles houthistes du Yémen.

Le nouveau pacte gouvernemental dont Riyad rêvait devait conditionner la participation du Hezbollah à plusieurs concessions tangibles, comme le retrait de ses troupes de Syrie, ou bien l’abandon de son arsenal. Mais les maladresses commises par le royaume, qui a très vite donné l’impression de séquestrer M. Hariri, suscitant l’indignation des Libanais toutes confessions confondues, et le rapport de force politique au Liban, très défavorables aux factions ­anti-Hezbollah, n’ont permis ­d’atteindre aucun de ces résultats.

Exfiltré d’Arabie saoudite grâce à une intervention de la France, Saad Hariri a préféré se rétracter et reconduire une coalition imparfaite que de prendre le risque d’un bras de fer avec la formation chiite, dont il n’avait presque aucune chance de sortir gagnant. Même le parti chrétien des Forces libanaises, le plus hostile au Hezbollah, a avalisé la déclaration de distanciation, aussi vague soit-elle. En guise de garanties, les adversaires du mouvement pro-iranien ont dû se contenter du discours de son chef, Hassan Nasrallah, dans lequel il affirmait que ses forces ne jouaient aucun rôle au Yémen et qu’à la suite de l’effondrement de l’organisation Etat islamique, elles seraient bientôt de retour d’Irak.

Riyad n’a pas réagi. Le ministre saoudien pour les affaires du Golfe, Thamer Al-Sabhane, auteur de déclarations incendiaires durant la crise, semble avoir été mis sur la touche. Mais, compte tenu du tempérament de feu de Mohammed Ben Salman, il est peu probable que ce silence dure. Des observateurs redoutent qu’au premier faux pas du gouvernement libanais, Riyad ne décide de sanctions économiques, comme le renvoi d’une partie des expatriés libanais se trouvant sur son territoire. Lors de la réunion de la Ligue arabe, le 19 novembre au Caire, l’Arabie saoudite avait tenté d’en exclure le Liban. Seule l’intervention déterminée de l’Egypte avait permis d’éviter que cette mesure punitive ne soit adoptée.