Nuancés dans l’appréciation qu’ils ont du président de la République et du premier ministre, les Français le sont aussi dans le jugement porté sur leur action précise. L’enquête du Cevipof réalisée par Ipsos-Sopra Steria en partenariat avec Le Monde le démontre de façon très éclairante. Elle a interrogé les sondés sur une dizaine de politiques publiques engagées ou annoncées depuis six mois et leur a demandé de les évaluer selon quatre critères : ces mesures sont-elles de droite ou de gauche, sont-elles justes, sont-elles efficaces, sont-elles prioritaires ?

Premier constat : le clivage droite-gauche reste une grille de lecture claire. Ainsi, cinq de ces mesures sont majoritairement identifiées comme « de droite » : reconduire à la frontière les étrangers en situation irrégulière, plafonner les indemnités versées aux salariés licenciés de manière abusive, baisser les allocations logement de 5 euros par mois, remplacer l’impôt sur la fortune par un impôt sur la fortune immobilière, mettre fin aux régimes de retraite spéciaux.

A l’inverse, quatre apparaissent nettement aux yeux des Français comme des mesures « de gauche » : accueillir 10 000 réfugiés et demandeurs d’asile de plus par an, autoriser la procréation médicale assistée pour les femmes seules ou homosexuelles, augmenter l’indemnité légale de licenciement en fonction de l’ancienneté, accorder l’assurance-chômage aux salariés qui démissionnent de leur emploi. Une mesure, enfin, est très œcuménique, autant de droite que de gauche ou du centre : la réduction du nombre de parlementaires.

Jugement plus mitigé

Mais le jugement des Français est loin de se réduire à cet étiquetage politique. Les critères d’utilité sont tout aussi déterminants à leurs yeux. Ainsi deux mesures de droite (la reconduction à la frontière des clandestins et la suppression des régimes spéciaux de retraite) sont majoritairement, surtout pour la première, jugées justes, efficaces et prioritaires. Au contraire, moins de 20 % des sondés considèrent comme justes, efficaces et prioritaires la création de l’impôt sur la fortune immobilière, le plafonnement des indemnités de licenciement ou la baisse des aides au logement.

Quant aux mesures classées à gauche, seule l’augmentation de l’indemnité de licenciement en fonction de l’ancienneté est jugée, à la fois, juste, efficace et prioritaire. Le jugement est beaucoup plus mitigé sur la PMA et l’assurance-chômage aux salariés démissionnaires et, plus encore, sur l’accueil de réfugiés (jugé à gauche par 68 %, il n’est juste que pour 18 %, efficace et prioritaire pour 15 %). Seule la mesure œcuménique est plébiscitée : entre 63 % et 73 % des sondés estiment que la réduction du nombre de parlementaires est à la fois juste, efficace et prioritaire.

Ces réponses sont symptomatiques des attentes des Français. Au-delà de la caractérisation politique des politiques engagées – à cet égard, ils identifient très clairement le panachage « et de gauche, et de droite » voulu par le chef de l’Etat –, ils les jugeront sur pièces, en fonction de l’utilité qu’ils leur accordent. C’est d’ailleurs ce qu’Emmanuel Macron les invite à faire.