Jean-Claude Juncker et Theresa May, le vendredi 8 décembre, à Bruxelles. / Virginia Mayo / AP

Un an et demi après le référendum sur le Brexit, qui a vu le oui l’emporter, la Commission européenne et le Royaume-Uni ont trouvé un accord, vendredi 8 décembre, sur les modalités du divorce.

Cette première phase des négociations fait l’objet d’un « rapport conjoint » de quinze pages qui revient sur les éléments concernant les trois dossiers jugés prioritaires par Bruxelles et Londres : le règlement financier de la séparation, les droits des citoyens expatriés et la gestion de la frontière entre la république d’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord.

Le dossier est désormais entre les mains du Conseil européen, l’instance qui regroupe les dirigeants des Etats membres : ces derniers devront valider l’accord lors d’un sommet à Bruxelles, les 14 et 15 décembre.

Cette étape permettra ensuite d’ouvrir la deuxième phase des négociations consacrée à la « future relation », notamment commerciale, entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni.

Le contenu de l’accord

  • Un chèque de départ de 50 milliards d’euros

C’était un des sujets de discorde entre Londres et Bruxelles, la facture du Brexit. Pour les négociateurs de la Commission européenne, le Royaume-Uni devait respecter sa contribution pour le budget actuel mais aussi les engagements hors budget de l’UE, comme les retraites des fonctionnaires européens.

Si la première ministre britannique avait d’abord proposé de payer 20 milliards d’euros, le coût de ce divorce s’approcherait plutôt des 50 milliards d’euros. Malgré cette concession, Theresa May a annoncé que la facture serait « équitable » pour les contribuables britanniques.

  • Les expatriés pourront « continuer leur vie comme avant »

A l’annonce de l’accord, vendredi matin, l’UE et le Royaume-Uni ont annoncé que les droits des plus de trois millions d’Européens vivant au Royaume-Uni et du plus d’un million d’expatriés britanniques sur le continent européen seront préservés.

Les Européens vivant au Royaume-Uni pourront « continuer leur vie comme avant », a affirmé Mme May. Les expatriés « ont été prioritaires dans cette négociation », « leurs droits resteront les mêmes après le Brexit », a promis, de son côté, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

  • Pas de frontière physique entre l’Irlande et l’Irlande du Nord

L’accord trouvé par les négociateurs du Brexit garantit qu’il ne peut y avoir de frontière effective entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, une fois que le Royaume-Uni aura quitté l’UE. Cette annonce a provoqué un soulagement en Europe, et particulièrement en Irlande.

L’Irlande, tout comme le reste des Etats membres de l’UE qui n’ont pas cessé de la soutenir ces derniers mois, souhaitait absolument préserver l’accord de paix du Vendredi saint, qui a mis fin aux violences en Irlande du Nord en 1998.

Pour convaincre son partenaire du DUP, le petit Parti unioniste démocrate, qui avait empêché un accord en début de semaine, mais dont elle dépend pour avoir une majorité au parlement, Mme May s’est engagée à ce que le Royaume-Uni dans son ensemble maintienne, après le Brexit, un alignement réglementaire avec l’UE sur tous les sujets de coopération Nord/Sud en Irlande.

« Nous avons réalisé tout ce que nous avions prévu de réaliser au cours de la phase 1. Nous avons les assurances et les garanties dont nous avons besoin du Royaume-Uni », s’est félicité le premier ministre irlandais, Leo Varadkar.

  • Les réactions

A l’annonce de l’accord après près d’un an et demi de négociations, Mme May s’est félicitée du compromis qui a été conclu :

« L’accord a exigé des concessions des deux côtés, mais il est dans le meilleur intérêt du Royaume-Uni. Il est juste pour le contribuable britannique et préserve l’intégrité du Royaume-Uni. »

Pour le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, le texte du compromis « pourrait être la base de l’accord de retrait » final en prévision du départ britannique, prévu le 29 mars 2019. Mais selon lui, il « faut encore le travailler, le consolider, le préciser ».

De leurs côtés, les partisans du Brexit estiment que l’accord constitue « une capitulation totale » de Londres. « Nous pouvons maintenant avancer vers la prochaine étape de l’humiliation », a renchéri l’ancien chef du parti europhobe UKIP Nigel Farage sur Twitter.

  • Et maintenant ?

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, prévient : « Le défi le plus difficile est devant nous. » Le Polonais a regretté vendredi matin qu’« autant de temps ait été consacré à la partie la plus simple » des négociations sur le retrait britannique de l’UE.

Après la première phase de discussions consacrée au divorce entre Londres et Bruxelles, les deux parties doivent évoquer désormais la deuxième phase des négociations sur leur « future relation », notamment commerciale. M. Tusk a proposé de commencer le plus vite possible les négociations sur une période de transition après la date effective du Brexit.

Un calendrier dont s’est fait écho Michel Barnier. Il a précisé que la discussion commencerait « en début d’année sur une éventuelle période de transition » et « un peu plus tard sur la future relation ». Le négociateur français a de son côté estimé qu’au vu des « exigences » déjà émises par les Britanniques, un accord de libre-échange « sur le modèle [de celui établi avec] le Canada » sera l’hypothèse de travail privilégiée par les Européens.