Par une décision lapidaire, vendredi 8 décembre, le Conseil constitutionnel a clos, provisoirement, le débat sur l’indépendance du parquet. Il laisse les mains libres au président Emmanuel Macron et à la garde des sceaux, Nicole Belloubet, qui ont promis de présenter au premier semestre 2018 un projet de réforme constitutionnelle renforçant l’indépendance des procureurs. Car c’est bel et bien la Constitution qu’il faudra changer si l’on souhaite accroître la liberté à l’égard du pouvoir politique de ces magistrats qui dirigent les enquêtes judiciaires, décident d’engager les poursuites et requièrent les sanctions aux procès.

Les syndicats de magistrats étaient pourtant unanimes à soutenir à l’audience du 28 novembre devant les neuf membres du Conseil que l’ordonnance de décembre 1958 sur le statut de la magistrature viole le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire consacré par la Constitution d’octobre 1958. La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par l’Union syndicale des magistrats portait sur l’article 5 de l’ordonnance, selon lequel « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. A l’audience, leur parole est libre ».

« Conciliation équilibrée »

Dans l’organisation judiciaire actuelle, les magistrats du parquet sont choisis par le gouvernement. Le garde des sceaux qui peut les déplacer à sa guise est aussi seul maître du pouvoir disciplinaire à leur égard. La pratique respectée depuis sept ans par les gouvernements successifs veut néanmoins que, pour les plus hautes fonctions (procureur, procureur général, etc.), le ministre ne nomme qu’après un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe indépendant.

Les différences de statut avec les magistrats dits du siège, ceux qui jugent, sont fondamentales. Ces derniers sont inamovibles et le CSM est souverain pour les sanctionner et les nommer aux plus hautes fonctions (président de tribunal, de cour d’appel, etc.). Pourtant siège et parquet font partie de la même autorité judiciaire dont l’article 64 de la Constitution proclame l’indépendance.

Le Conseil constitutionnel conclut sa décision en constatant que les textes en vigueur « assurent une conciliation équilibrée entre le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et les prérogatives que le gouvernement tient de l’article 20 de la Constitution », selon lequel il « détermine et conduit la politique de la Nation », dont fait partie la politique pénale. Il rejette ainsi vertement la QPC également soutenue par le Syndicat de la magistrature et FO magistrats.

Maintien du lien

A l’appui de sa démonstration, l’institution présidée par Laurent Fabius rappelle la réforme Taubira de 2013, qui proscrit au ministre de la justice d’adresser aux procureurs des instructions dans les affaires individuelles. Sans pour autant donner de valeur constitutionnelle à cette loi, il est clair qu’elle lui permet aujourd’hui d’affirmer dans sa décision que « le procureur de la République décide librement de l’opportunité d’engager des poursuites ». L’indépendance est sauve.

En revanche, le maintien du lien hiérarchique lui paraît justifié par le fait qu’il appartient au ministère public de mettre en œuvre « les instructions générales de politique pénale » adressées par le ministre de la justice, notamment pour « assurer sur tout le territoire de la République l’égalité des citoyens devant la loi ». Le Conseil rejette également l’argument selon lequel ce lien serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs.

Le « poison mortifère » du soupçon sur l’indépendance de la justice, dénoncé à l’audience, risque encore de peser en attendant les garanties nouvelles promises par l’exécutif. Quelles seront-elles ? Le débat sur une réforme constitutionnelle s’annonce délicat, tant l’unanimité politique n’est pas réunie. Dominique Perben, ex-garde des sceaux et ex-secrétaire national de l’UMP, plaide ainsi, dans un entretien au Figaro vendredi 8 décembre, pour le rétablissement des instructions individuelles du ministre aux parquets.