Après 48 heures de recherches infructueuses dans les commissariats et gendarmeries de Douala, capitale économique du Cameroun, les proches de Patrice Nganang se disent en partie soulagés. L’écrivain et militant a été « retrouvé », vendredi 8 décembre, à la direction générale de la police judiciaire de Yaoundé, la capitale, où il serait, selon son avocat, accusé d’outrage au chef de l’Etat.

L’auteur de « Temps de chien », prix Marguerite Yourcenar et Grand prix de la littérature d’Afrique noire, a été arrêté mercredi à l’aéroport international de Douala, alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Harare au Zimbabwe, où l’attendait son épouse.

« Menotté », Patrice Nganang a été conduit à Yaoundé, « dans une voiture qui l’attendait » à l’aéroport, raconte Me Emmanuel Simh, son avocat. Pour les défenseurs de cet enseignant de théorie littéraire de l’université de New York, ce sont ses écrits sur la situation en zone anglophone qui sont la cause de cette arrestation. Patrice Nganang est arrivé au Cameroun le 27 octobre, puis a sillonné durant quelques jours, le Sud-Ouest et Nord-Ouest, les deux régions anglophones, en proie à une vague contestatrice.

« mettre hors d’état de nuire ces criminels »

Le 5 décembre, l’écrivain a publié un « Carnet de route en (zone) dite anglophone » sur le site de l’hebdomadaire Jeune Afrique. Il y dénonce la gestion de la crise qui secoue depuis un an, cette partie du pays, concluant son article par ces mots : « Il faudra sans doute un autre régime politique pour faire comprendre à l’État que la mitraillette ne saurait endiguer une foule en mouvement. Seul le changement au sommet de l’État pourra régler le conflit anglophone au Cameroun. »

Des écrits intolérables pour Yaoundé selon les proches de Patrice Nganang. Le 30 novembre, le président Paul Biya a annoncé la mise en place de dispositions pour « mettre hors d’état de nuire ces criminels », alors que les assassinats de militaires et policiers se multiplient dans les deux régions où s’expriment désormais par les armes des revendications indépendantistes.

Du côté des détracteurs de Patrice Nganang, cette arrestation serait en réalité liée à l’une de ses publications sur Facebook dans laquelle il menace de « donner une balle exactement dans le front » de Paul Biya. « C’est son style. C’est quelqu’un qui est un peu offensif, un peu fougueux », relativise son ami et compagnon de lutte, Gérard Philippe Kuissi.

Un collectif de dix-sept écrivains africains et occidentaux a lancé une pétition sur internet « pour la libération immédiate de Patrice Nganang ». Moins de 24 heures après sa mise en ligne, la pétition avait enregistré, vendredi soir, près de 1.700 signatures.