La première ministre britannique, Theresa May, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors d’une conférence de presse vendredi 8 décembre, à Bruxelles, après l’accord trouvé au terme de  la première phase des négociations de retrait de la Grande-Bretagne de l’UE. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Editorial du « Monde ». Le gouvernement britannique et la Commission européenne, mandatée par les vingt-sept autres Etats membres de l’Union, ont achevé vendredi 8 décembre la première phase des négociations de retrait de la Grande-Bretagne à la satisfaction des deux parties. C’est le premier tour de force des négociateurs dans un processus qui, dès le début de la campagne pour le référendum du 23 juin 2016 sur le Brexit, s’annonçait aussi douloureux que périlleux.

L’accord du 8 décembre, annoncé à Bruxelles par la première ministre Theresa May et le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, fixe les modalités du divorce et ouvre la voie à la phase 2 des négociations, sur les relations futures entre Londres et les Vingt-Sept. Il garantit les droits des ressortissants britanniques dans l’UE et européens au Royaume-Uni et autorise le recours à la Cour européenne de justice pour ces derniers pendant encore huit ans. Il s’engage à ne pas rétablir de frontière physique entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, et envisage, à cette fin, la possibilité d’un « alignement » de la Grande-Bretagne sur les règles du marché unique. Et il fixe les modalités de calcul de la facture du divorce pour Londres, qui devrait s’élever à environ 50 milliards d’euros.

Cet accord est largement à l’avantage de l’UE. Unie et cohérente sur le sujet, l’Union a mené Londres exactement où elle le souhaitait. Elle lui a imposé ses priorités, son calendrier, le montant du chèque. Elle lui imposera son idée d’une transition et, probablement, le contour de sa « future relation ». Il faut saluer à cet égard le travail de Michel Barnier, le négociateur européen, qui a jusqu’ici réalisé un sans-faute, et dont l’expertise et la maîtrise de la diplomatie ont été précieuses, compte tenu du climat de tension qui prévaut à Londres.

Le plus dur reste à faire

De leur côté, les Britanniques, ayant sous-estimé l’UE et surestimé leur position de force – que les partisans du Brexit avaient vendue aux électeurs – ont dû en rabattre. Aveuglés par leur refus de voir l’Europe comme un projet politique au-delà du marché unique, ils n’ont pas anticipé la parfaite unité des Vingt-Sept.

Affaiblie par les constantes dissensions politiques dans son pays, y compris dans son propre parti, Theresa May a dû faire d’importantes concessions, notamment sur la Cour de justice de l’Union européenne (dont elle refusait au départ toute compétence) et sur le montant de la facture, afin d’arracher malgré tout un accord. Enfin, la question irlandaise est devenue un tel obstacle à la fin de cette première phase qu’elle a préféré la laisser en suspens.

Le plus dur, cependant, reste à faire. La phase 2 des négociations va inévitablement amener les deux parties à regarder le Brexit en face et à en reconnaître le coût. Là encore, c’est la Grande-Bretagne qui se trouve dans la position la plus difficile. Il va lui falloir sortir du bois et se déterminer clairement sur l’ampleur de la séparation souhaitée.

L’ambiguïté de l’accord de vendredi sur l’Irlande illustre à elle seule les difficultés qui s’annoncent. Non seulement le Brexit est devenu un sujet d’affrontement entre les deux communautés d’Irlande du Nord, mais l’insoluble équation irlandaise résume le dilemme central, celui du choix entre un « hard Brexit » et un accord maintenant le maximum de liens avec l’UE. Ce choix n’a pas été tranché. Mme May n’a fait que reculer pour mieux sauter.