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A sa sortie de l’Ecole des ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP), Alexina Coullandreau, 26 ans, a décroché un poste qui n’existait pas quelques mois plus tôt : « chargée de projet éclairage intelligent ». Le projet pris en charge ? Le déploiement, pour le compte de la Mairie de Paris, de candélabres connectés à un réseau bas débit, avec des capteurs pour adapter l’éclairage au passage, contrôler des feux tricolores, déclencher l’arrosage de plantes selon la météo… Et qui servent aussi de borne Wi-Fi.

La « smart city » est en marche. Que cela soit dans une perspective de développement durable ou pour offrir de nouveaux services aux citoyens, le numérique change la vie des villes et ouvre de nouveaux types de postes dans les collectivités locales, les entreprises de génie urbain, les bureaux d’études… Sans oublier les start-up, qui développent des technologies appliquées aux villes (mobilier urbain communicant, poubelles trieuses, parkings connectés, navettes à la demande…).

Parmi les compétences les plus recherchées : la gestion, la sécurisation et l’exploitation des milliers de données produites par les villes ou leurs habitants. Des « chief data officers » font leur apparition dans les collectivités. Rennes est ainsi en train de créer un service métropolitain des données, avec plusieurs postes à la clé. Autre créneau porteur : le management de projets « BIM » (Building Information Modelling), une nouvelle méthode de construction et d’exploitation des bâtiments, qui s’appuie sur une maquette numérique.

Tous les experts le soulignent, la « ville intelligente » a besoin de profils polyvalents. Des personnes issues de formations diverses (ingénierie, droit, urbanisme, management…), « mais qui ont une vision intégrée de l’eau, de l’énergie, de la mobilité, des déchets et de l’interconnexion de tout cela à l’échelle d’une ville », explique Thierry Simoulin, directeur du mastère spécialisé « smart cities » créé par l’Ecole des ponts ParisTech (ENPC) – en partenariat avec Bouygues, Alstom, ou la ville d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine)… « Des gens capables de comprendre la culture de tous les services, de faire de la pédagogie et d’embarquer tout le monde », confirme Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités, pour qui il n’est « pas la peine d’avoir de compétences dures dans un domaine, car elles seront vite périmées ».

Les diplômés en sciences sociales peuvent trouver leur place sur cet échiquier. Capables de mener « une réflexion sur de nouveaux usages qui dépassent le cadre de l’ingénierie, notamment sur tout ce qui concerne la participation citoyenne », commente Laurent Vigneau, directeur de l’innovation au bureau d’études Artelia, ils devront « tisser des relations avec des opérateurs privés, comme ces start-up qui installent des vélos en libre-service sans bornes ».

Pour former ces polyvalents de la « smart city », des cursus en un an ont vu le jour à l’ENPC, à Polytech Lille ou à l’Institut Léonard de Vinci à la Défense. Au programme, une culture générale sur la ville numérique et des projets concrets. « On étudie les technologies sans contact, le haut débit, les questions des données et du respect de la vie privée, les mécanismes de gouvernance des villes… Et on encourage nos élèves à penser en priorité à l’usager », décrit Nathalie Rolland, directrice du mastère spécialisé « créacity » de Polytech Lille.

Les écoles d’ingénieurs en génie urbain se sont aussi engouffrées dans la brèche, comme l’EIVP, qui a truffé son cursus de modules sur le numérique appliqué à la ville, et vient de lancer une chaire de recherche sur l’éclairage intelligent. « Soixante pour cent de nos élèves ont une promesse d’embauche avant leur diplôme, se félicite Franck Jung, le directeur de l’école. Les salaires de départ sont certes un peu moins élevés que dans d’autres industries, mais la forte croissance de la “smart city” permettra à ces jeunes de progresser très rapidement et leur ouvre la porte à de belles carrières. »