L’Assemblée nationale, le 6 décembre 2017. / BERTRAND GUAY / AFP

Trois millions et demi d’euros. C’est la somme qu’a pu récupérer, à ce jour, l’Assemblée nationale, auprès des députés de la précédente législature, au titre de la part non consommée de leur indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), perçue entre 2012 et 2017, selon des informations confirmées au Monde par les services de l’Assemblée. Quelque 354 députés, sur les 577 que compte l’Assemblée, soit 61 %, ont effectué un reversement. Le montant moyen de 9 943 euros restitués masque des remboursements disparates, allant de quelques centaines d’euros à plusieurs dizaines de milliers.

C’est la première fois que l’obligation de reverser le reliquat de cette indemnité censée couvrir les frais de représentation des élus (permanence, hébergement, transports, communication…), mais vertement critiquée pour l’absence totale de contrôle dont elle jouissait jusqu’ici, s’applique à l’ensemble des élus, réélus comme sortants.

Cette disposition avait été décidée par le bureau de l’Assemblée nationale en février 2015, sur fond d’affaires de détournement de l’IRFM à des fins de constitution de patrimoine personnel, dénoncées par des associations militant pour plus de transparence dans les institutions françaises, telle l’Association pour une démocratie directe d’Hervé Lebreton. En 2012, seuls les députés non réélus avaient été priés de rembourser l’éventuel surplus.

Montant conséquent

La somme de 3,52 millions d’euros restituée à l’Assemblée peut sembler faible en regard du coût total de l’IRFM sur les cinq ans écoulés : 200 millions d’euros, à raison de 6 412 euros bruts par mois et par député en 2012, ramenés à 5 770 euros par élu de 2013 à 2016. Elle n’en représente pas moins un montant conséquent, trois fois supérieur aux 988 000 euros récupérés en 2012.

« Et encore, ce bilan n’est pas définitif, précise la questeure de l’Assemblée nationale Laurianne Rossi. Les députés avaient jusqu’au 30 septembre pour reverser le solde positif de leur IRFM, mais une relance a été effectuée le 19 octobre, avec une date limite au 15 novembre. Les fonds continuent à arriver. »

En marge des 354 députés qui ont déjà remboursé, 140 députés ont indiqué n’avoir rien à restituer, ce qui laisse 83 élus non à jour de leur obligation.

Les services de l’Assemblée disent ne pas être en mesure de savoir si ces restitutions incluent d’éventuels remboursements de plus-values réalisées par des députés ayant acheté leur permanence grâce à l’IRFM, et l’ayant revendue avant la fin de leur mandat en engrangeant un profit – de tels achats, contestés, étant restés autorisés jusqu’en 2015. Aucun détail n’est, de fait, demandé aux députés.

« Liquider son compte »

Parmi les premiers payeurs, figurent des députés qui se sont exprimés en faveur d’une plus grande transparence de l’IRFM, comme Brigitte Allain, Michèle Bonneton et Isabelle Attard, élues sous l’étiquette écologiste, ou le socialiste Dominique Raimbourg, tous sortants.

« J’ai remboursé 6 500 euros, ce qui restait après paiement des loyers de ma permanence, des frais de ma lettre de députée semestrielle, de mes déplacements sur une circonscription de plus de 150 communes, explique Brigitte Allain. C’est normal, l’IRFM est destinée au fonctionnement du mandat et à rien d’autre. »

« J’ai restitué 2 900 euros, dit pour sa part Isabelle Attard. Quand on ne cumule pas les mandats, qu’on refuse les invitations à déjeuner des lobbies et qu’on veut payer correctement ses collaborateurs, ce que permet aussi l’IRFM, celle-ci est justement calibrée. »

Quant à Dominique Raimbourg, il termine de « liquider son compte », mais a adressé une avance de remboursement de 7 000 euros. « C’est de l’argent fait pour payer des frais professionnels, c’est aussi normal de justifier ses frais que de rembourser le reliquat. J’ai été avocat pendant trente-deux ans et je ne vois pas le problème qu’il y aurait à tenir une comptabilité. »

De nouvelles règles de frais de mandat, censées instaurer un contrôle des dépenses des députés, entreront en vigueur le 1er janvier 2018.