Emmanuel Macron lors de la présentation du « One Planet Summit », à Paris, le 11 décembre. / PHILIPPE WOJAZER /REUTERS

Deux ans jour pour jour après l’adoption, lors de la COP21, de l’accord de Paris, la capitale française accueille, mardi 12 décembre, un nouveau sommet dédié à la lutte contre le réchauffement de la planète.

Proposé par la France après l’annonce, cet été, par le président des Etats-Unis Donald Trump du retrait de son pays du pacte climatique, ce rendez-vous, coorganisé avec les Nations unies (ONU) et la Banque mondiale, est consacré au sujet clé du financement : comment orienter la finance mondiale vers les investissements verts, et notamment soutenir les pays du Sud.

C’est « fêter un anniversaire par la preuve », avec un sommet « pragmatique et concret ». Il ne s’agit pas d’une « conférence de donateurs », a fait valoir le gouvernement français. Baptisé « One Planet Summit », cet événement se déroule moins d’un mois après la COP23, la conférence annuelle de l’ONU sur le climat, qui s’est tenue à Bonn (Allemagne).

  • Qui participe à ce sommet ?

Une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement sont annoncés sur l’île Seguin, dans l’ouest de Paris. Sont, entre autres, attendus, le Mexicain Enrique Pena Nieto, la Britannique Theresa May, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, plusieurs présidents africains ou encore le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. De grands émetteurs de gaz à effet de serre doivent être en revanche représentés à moindre niveau : ministériel pour la Chine, l’Inde ou encore le Canada.

C’est un chargé d’ambassade qui va représenter les Etats-Unis. Des élus, des représentants d’entreprises ou de fondations américains doivent cependant assister au sommet. Sont aussi attendus de grands acteurs mondiaux de la finance publique et privée, des ONG, ou encore l’acteur américain Leonardo DiCaprio, actif militant écologiste.

Mardi matin, les échanges incluront ministres, maires et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’après-midi, place aux dirigeants, avec des sessions menées par Emmanuel Macron, le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim, et M. Guterres.

  • Quel est l’objectif de ce sommet ?

« Ce qu’il manque aujourd’hui, ce sont des projets concrets avec des financements réels en face de ces derniers », avait expliqué le président français le 22 novembre.

« A cet égard, l’objectif du sommet du 12 décembre n’est en aucun cas d’aboutir à une déclaration mais bien d’obtenir une liste d’actions et d’engagements financiers concrets internationaux publics et privés pour justement faire face. »

Ex-ambassadrice de la France pour les négociations climatiques, Laurence Tubiana insiste sur le rôle des entreprises dans ce combat. L’impact sur l’économie réelle pourra, à lui seul, convaincre les gouvernements, fait-elle valoir.

Le pape François a, lui, souhaité que ce rendez-vous favorise « une claire prise de conscience sur la nécessité d’adopter des décisions réellement efficaces pour contrer les changements climatiques et, dans le même temps combattre la pauvreté ».

  • Qu’attendre de ce sommet ?

« Une COP, c’est le consensus multilatéral, ce sommet, c’est la mobilisation de ceux qui veulent aller plus vite », explique Mme Tubiana. En 2015, la communauté internationale s’est engagée à agir pour contenir le mercure sous le seuil critique de + 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, mais les engagements nationaux pris entraînent toujours le monde au-delà de 3 °C. Beaucoup sont en outre conditionnés à la mise en place de financements.

L’initiative New Climate Economy estime à 90 000 milliards de dollars (76 000 milliards d’euros) d’ici à 2030 les besoins en infrastructures durables. S’ils sont bien placés, ces investissements représenteraient à peine 5 % de plus que ce qui serait réalisé de toute façon. D’où l’importance de réorienter les capitaux.

L’enjeu est d’inciter les acteurs, publics (banques de développement, Etats, etc.) et privés (assurances, banques, fonds), à réorienter leurs capitaux vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation des pays du Sud au changement climatique, actuel parent pauvre de la finance climat. Parmi les engagements qui pourraient être annoncés, des dons de fondations, des coalitions contre le charbon ou pour la neutralité carbone.

L’action politique « ne suffira pas si nous ne revoyons pas l’architecture de la finance mondiale », a insisté la responsable climat de l’ONU, Patricia Espinosa.

  • Un premier pas des entreprises

La plupart des acteurs, privés comme publics, réclament une action des Etats pour clarifier les règles de la finance climat. Lundi, plus de cinquante grandes entreprises – dont Adidas, Allianz, Diageo, H&M, Philips, Unilever, Kering etc. –, ont publié une déclaration appelant à « une action climat ambitieuse ». Elles demandent aux pays développés « des mesures concrètes de long terme » comme la fin des subventions aux énergies fossiles d’ici à 2025 et « de la clarté sur les risques financiers liés au climat ».

En dévoilant leurs engagements à réduire leurs émissions, plus de 90 groupes français ont aussi plaidé pour l’instauration des mécanismes de prix du carbone « reliés entre eux dans les principales régions économiques » mondiales. Lundi soir, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, a, par ailleurs, présenté de nouvelles mesures pour améliorer la transparence dans la finance verte, appelant des actes identiques au niveau européen.

Devant les membres du Medef, le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, a, de son côté, défendu l’alliance de l’économie et de l’écologie pour renforcer la lutte contre le réchauffement climatique.

  • Un engagement des agences spatiales

Les agences spatiales d’une vingtaine de pays ont proposé la création d’un « Observatoire spatial du climat », visant à mutualiser les données obtenues depuis l’espace. La Chine, le Japon, l’Inde, l’Europe, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, l’Autriche, la Suède, la Norvège, la Roumanie, Israël, l’Ukraine et les Emirats arabes unis notamment, ont adopté cette « Déclaration de Paris », rédigée sous l’impulsion de la France. L’agence américaine National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) n’était pas présente, de même que l’agence russe. Sur les cinquante variables climatiques essentielles à la compréhension du climat, vingt-six sont observées grâce à des satellites.

  • Un nouvel appel français à Donald Trump

Le président français a interpellé, lundi, son homologue américain Donald Trump sur sa décision de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris, dans une interview à la chaîne CBS.

« Je suis désolé de le dire, ça ne marche pas, donc désolé, mais je pense que c’est une grande responsabilité face à l’Histoire et je suis assez certain que mon ami le président Trump va changer d’avis dans les mois ou les années à venir. »

M. Macron a estimé qu’il était « extrêmement agressif de décider seul de tout simplement quitter » un pacte conclu entre plus de 190 pays. « Je ne suis pas prêt à renégocier, mais je suis prêt à accueillir [M. Trump] s’il décide de revenir », a lancé le locataire de l’Elysée.

« Si on décide de ne pas agir et de ne pas changer la manière dont nous produisons, dont nous investissons, dont nous nous comportons, nous serons responsables de milliards de victimes. Je ne veux pas être un dirigeant dans cette situation, alors agissons maintenant. »

Emmanuel Macron, qui était devenu le Français le plus retweeté pour son « Make Our Planet Great Again » en réponse au slogan du républicain, a dévoilé dans la journée les dix-huit premiers lauréats de cette initiative lancée dans la foulée du retrait américain. Il s’agit de sept femmes et onze hommes originaires de six pays. Parmi les projets retenus, la majorité (treize) provient des Etats-Unis. Mais le Canada, l’Italie, l’Espagne, l’Inde et la Pologne sont également représentés.