Véronique Vella, qui signe la mise en scène du « Cerf et le Chien », en Delphine, et Elsa Lepoivre, en Marinette, entourent Elliot Jenicot, irrésistible en cerf rocker. / COMÉDIE-FRANÇAISE

Monter un spectacle pour les spectateurs de demain, les enfants, voici ce qui a motivé, en premier lieu, la 479e sociétaire de la Comédie-Française, Véronique Vella. Réussir à en faire un spectacle tout public – c’est-à-dire où les parents n’ont pas l’impression de faire leur BA, voilà sa réussite.

Quand Muriel Mayette, alors administratrice générale de la Comédie-Française, propose d’ouvrir une des trois salles de l’institution parisienne au jeune public et demande à Véronique Vella d’y réfléchir, celle-ci pense tout de suite aux Contes du chat perché de Marcel Aymé, « parce que [sa] grand-mère [lui] avait appris à lire avec Delphine et Marinette ».

« Il ne prend pas les enfants pour des jambons »

Ce sera d’abord, en 2009, Le Loup, incarné par Michel Vuillermoz. La reprise, en 2015, a lieu quelques jours après les attentats du 13 novembre. « Jusqu’alors, le public aimait détester les parents, ces empêcheurs de sortir. Avant que ne se fasse ressentir une empathie, une compréhension de ce que pouvait être le flip des parents pour leurs enfants avec cette interrogation qui a été la nôtre suite aux attentats : dans quel monde allons-nous les faire grandir ? », explique Véronique Vella, mère d’un garçon de 10 ans.

Réfléchissant à une suite, Véronique Vella et Raphaëlle Saudinos, sa collaboratrice artistique, ont choisi Le Cerf et le Chien, créé en 2016 et repris aujourd’hui : « Il nous a semblé que ce conte résonnait particulièrement fort dans le contexte de violence et d’atteinte à la liberté qui était le nôtre : si le cerf est poursuivi par la meute, c’est d’abord parce qu’il est libre. » Autre raison de taille et de choix : « C’est un conte qui ne prend pas les enfants pour des jambons », explique Véronique Vella. Le cerf, à la fin, il meurt. Il meurt libre, mais il meurt. » Exit donc le happy end à la Disney.

« Le théâtre ne copie pas le monde »

Pour réussir à intéresser petits et grands, il a à la fois fallu « ne jamais se demander à qui l’on s’adresse en particulier, mais juste essayer de parler à l’intelligence et à la capacité de rêver de tous et de chacun, tout en proposant différentes grilles de lecture ». En cela, la place de la musique dans la mise en scène joue pleinement son rôle : « Les chansons sont une grille privilégiée car immédiate pour les mômes », explique la comédienne, qui a notamment joué dans des cabarets.

Côté costumes, Véronique Vella a délibérément choisi de ne pas en rajouter, notamment pour les personnages animaux : pas de costumes complets, pas de fourrures énormes, seulement « des petites choses qui parlent à l’imagination profonde, au cerveau limbique ». Et de reprendre : « C’est une gageure d’intéresser les enfants d’aujourd’hui, habitués aux écrans multiples et aux effets spéciaux, à cet artisanat si pauvre qu’est le théâtre. Je trouve que la raison pour laquelle le théâtre réussit le plus ce qu’il a à faire, changer le monde selon moi, c’est qu’il ne copie pas. Je n’aime rien tant que le théâtre de tréteaux, le presque rien et puis, hop ! magie, on y est. » Le charme opère. Et Véronique Vella songe à monter un jour un autre conte de Marcel Aymé, Les Boîtes de peinture.

« Le Cerf et le Chien », de Marcel Aymé, mise en scène Véronique Vella, Studio-Théâtre, 99, rue de Rivoli, Paris 1er. Jusqu’au 7 janvier 2018.