Un champ de blé près de Caen (Calvados) en 2008. Le revenu moyen des céréaliers a connu un plongeon historique en 2016, selon les chiffres du ministère de l’agriculture. / MYCHELE DANIAU / AFP

L’année 2016 aura été encore plus noire que prévu pour les agriculteurs français. Les données publiées par la Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN), jeudi 14 décembre, le prouvent. Selon le ministère de l’agriculture, le revenu moyen d’un agriculteur a chuté de 29 % pour s’établir à 18 300 euros par an.

En juillet, l’Insee évoquait un recul du revenu agricole moyen de 21,9 %. Sachant que cet exercice prévisionnel est toujours délicat. D’abord, parce qu’il ne concerne que les exploitations dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 25 000 euros. Ce qui exclut d’emblée un quart des fermes françaises. Ensuite, parce que l’Insee définit un résultat de la branche agricole par actif non salarié. Et réfute le raccourci faisant de ce chiffre le revenu de l’agriculteur, estimant que l’exploitant peut avoir d’autres revenus non agricoles ou bénéficier des ressources de son ou sa conjointe. Enfin, la moyenne ne donne pas l’image de la très grande diversité de la « ferme France ».

  • Les éleveurs porcins, grands gagnants

Cette disparité se reflète, en partie, dans la publication par le ministère des résultats par type de production. En 2016, les grands gagnants sont les éleveurs porcins, dont le revenu moyen est estimé à 51 900 euros. Un fort rebond après, il est vrai, plusieurs années de crise. Ils coiffent sur le poteau les viticulteurs, habitués au haut du tableau, qui subissent une décrue de 9,3 % à 44 700 euros. Le maraîchage (39 500 euros) et les fruits (33 300 euros) tirent leur épingle du jeu.

  • Un plongeon historique pour les céréaliers

A l’inverse, le plongeon est historique pour les céréaliers, dont les revenus moyens tombent dans le rouge (– 5 298 euros) affectés par les mauvaises récoltes assorties de cours mondiaux sous pression. La chute est forte également, plus de 50 %, pour les producteurs d’autres grandes cultures (betteraves, pommes de terre) à 19 300 euros. Ils se retrouvent ainsi au niveau des éleveurs bovins qui font grise mine depuis plusieurs années. Les éleveurs laitiers ont, eux, vu leur revenu être réduit une nouvelle fois de près de 20 % à 14 500 euros.

  • Une progression attendue en 2017

Après un tel exercice, un rebond est attendu en 2017. Selon les premières estimations de l’Insee, le revenu agricole moyen pourrait progresser de 22,2 %. Toutefois, même si cette tendance était confirmée, elle ne suffirait pas à compenser le plongeon de 2016. Plusieurs facteurs sous-tendent cette amélioration de conjoncture. Le prix du lait, tout d’abord, s’est quelque peu apprécié, avec une hausse moyenne sur les neuf premiers mois de 2017 de 12 %, permettant aux éleveurs de sortir la tête de l’eau. Une légère revalorisation dont bénéficient aussi les éleveurs bovins. Les céréaliers ont, eux, renoué avec des moissons généreuses et de qualité. La France a engrangé 37 millions de tonnes de blé et 13,9 millions de tonnes de maïs. Un motif de satisfaction, même si le poids des récoltes mondiales record pèse toujours sur les cours.

  • Des secteurs frappés par les aléas météorologiques

D’autres secteurs, ont, au contraire, souffert des aléas météorologiques. La viticulture a été la plus frappée avec une vendange en retrait de 19 % sur un an à 36,8 millions d’hectolitres. Enfin, certains s’inquiètent à nouveau de la glissade des prix, à l’instar des éleveurs porcins, soumis à une inversion de conjoncture depuis l’été. Ou des betteraviers, qui ne bénéficient plus depuis octobre du filet de protection des quotas sucriers européens. Quant aux éleveurs de volaille, ils ont été secoués par l’influenza aviaire.

Globalement, l’Insee estime que la valeur de la production de la « ferme France » devrait atteindre 71,1 milliards d’euros en 2017, en progression de 2,4 %.

  • Un sursaut « bien précaire »

« Le sursaut constaté sur le revenu des agriculteurs apparaît bien précaire », soulignent les Chambres d’agriculture, qui s’inquiètent de la « situation de l’agriculture française, dans un contexte où les prix s’inscrivent dans un cycle baissier et où le libre-échange se généralise par la voie des accords commerciaux préférentiels, ouvrant davantage le marché européen aux productions canadiennes (CETA), ukrainiennes, demain celles de Mercosur. » Sans oublier les discussions sur la Politique agricole commune, la PAC, dans un contexte budgétaire européen tendu. D’où les fortes attentes créées par les Etats généraux de l’alimentation, dont les conclusions doivent être livrées jeudi 21 décembre, à Bercy.