Georges Lang, animateur des « Nocturnes », avait reçu Johnny Hallyday à plusieurs reprises dans son émission. Il a annoncé son décès à l’antenne. / ERIC GARAULT/PASCO

Lui aussi aurait eu son mot à dire, sa larme à verser, son anecdote à raconter. Du haut de ses presque quarante-cinq années de radio consacrées au rock’n’roll et à la musique country sur RTL, Georges Lang, 70 ans et visage d’enfant fripé, a rencontré suffisamment de fois Johnny Hallyday pour pouvoir participer au concert ininterrompu de dithyrambes, couronne mortuaire de l’idole disparue dans la nuit du 5 au 6 décembre. Mais il s’est contenté d’annoncer le décès du chanteur à l’antenne de la station à 3 heures du matin de cette voix chaude et veloutée qui tranquillise les insomniaques – puis d’enchaîner les titres de la rock star.

« Il était 2 h 48 du matin, j’avais terminé mon émission “Les Nocturnes”, raconte-t-il. Je finalisais le montage de celles prévues pendant les fêtes. Un technicien est venu annoncer que Johnny était mort. Alors j’ai repris l’antenne pour évoquer quelques souvenirs et décider des disques à passer. Des chansons plutôt douces. » « C’est peut-être le moment le plus pénible de ma vie professionnelle, a-t-il tweeté plus tard ce jour-là. Devoir annoncer (…) en pleine nuit le décès de Johnny Hallyday. Notre icône, notre Elvis n’est plus. J’ai eu beaucoup de mal à faire cette annonce, j’avais la gorge serrée. »

Entre Johnny Hallyday et Georges Lang, il y a l’Amérique, toute la musique qu’ils aiment et aussi cette volonté de prolonger la nuit. En 2013, le chanteur est bien présent pour les 40 ans des « Nocturnes ». Il en profite pour glisser à l’oreille des responsables de la radio qu’il serait dommage que cette émission mythique ne survive pas à cet âge vénérable. En 2014, il débarque à minuit avec son producteur de l’époque, Don Was, son manageur, et son épouse dans le studio de la rue Bayard à Paris. « Je reste dix minutes », explique Johnny. Il passera finalement une heure entière derrière le micro.

En 2015, Georges Lang voit sa tranche horaire se réduire comme peau de chagrin. Sachant ce que son succès doit à la radio la plus écoutée de France, l’idole, peu connue pour ses engagements publics, signe alors une pétition en faveur de l’animateur et se fend d’un Tweet : « J’espère, cher Georges, que ton émission “Les Nocturnes” va rester sur RTL car elle est formidable. » Georges Lang est toujours là, animé de la même tendresse inquiète pour ses auditeurs. « Ils cherchent une voix qui les rassure, qui n’agresse pas, qui sait rester discrète. Je pense que Johnny Hallyday avait quelque chose à voir avec ces gens-là. On se réfugie dans la nuit pour fuir le jour. »

Deux grands ados des années 1960

Samedi 9 décembre, date de l’hommage populaire à Paris, Georges Lang n’était ni à la Concorde, ni rue Royale, ni à la Madeleine. Vivant en partie au Luxembourg, il ne s’est pas senti le courage de faire le voyage. « J’ai voulu prendre du recul. Et puis, dit-il sans aucune rancœur apparente, je n’étais pas invité. » Il a regardé à la télévision les images de la cérémonie et écouté les hallydologues d’un jour se succéder sur les plateaux. « Ils sont tous sortis du trou, rigole-t-il. La présence de certains m’a un peu surpris. » Il ne veut pas citer de nom : « De toute façon, on a tous un souvenir de Johnny Hallyday, alors… »

« Hallyday a été un passeur de la musique américaine vers la France, mais il m’a aussi permis de faire le chemin inverse. » Georges Lang

Les siens le portent vers Nashville. Avec le chanteur, ils se sont échangé des adresses de diners, des noms de guitaristes, de chanteurs et de stations de radio. Ils ont partagé leur admiration pour les pionniers du rock, la musique country et les routes qui filent vers l’horizon. Leur Amérique. « Hallyday a été un passeur de la musique américaine vers la France, mais il m’a aussi permis de faire le chemin inverse. J’ai découvert Teenage Idol de Ricky Nelson grâce sa version française, L’Idole des jeunes, et Tender Years de George Jones grâce à Tes tendres années. » Comme deux grands ados des années 1960 qui se prêtent des disques dans les surprises-parties, ils n’ont jamais parlé d’autre chose que de musique, laissant le reste dans l’ombre. « Quand j’allais à Los Angeles, je ne le dérangeais pas. Je ne voulais pas faire comme tous ces Français du métier qui allaient l’emmerder. »

Johnny à Nashville

Johnny en interview dans un ranch & enregistrement à Nashville-TF1 (25.02.1975)
Durée : 09:29

A l’inverse des thuriféraires de la dernière heure pour lesquels rien dans la carrière parfois médiocre du chanteur ne serait à négliger, Georges Lang n’aime pas tout chez Johnny Hallyday, loin s’en faut. « Quand il a chanté San Francisco, sa reprise de la chanson de Scott Mckenzie, je me suis dit qu’il était mal parti. J’ai trouvé ça triste qu’il soit obligé de suivre toutes les modes. J’avais de la peine pour lui. Idem avec J’ai un problème, en duo avec Sylvie Vartan. A ce moment-là, je me suis dit : “C’est fini pour lui”. » Mais Georges Lang a gardé pour lui ses réserves et les deux hommes ont continué de rêver l’Amérique, l’animateur dans son studio du bout de la nuit où il s’est ingénié à reproduire le son des radios américaines, et Johnny Hallyday au bord de sa piscine à Pacific Palisades.