Documentaire sur France 3 à 20 h 55

Cinquante ans après être entré dans le show-business par effraction, Jacques Dutronc reste un gentleman-cambrioleur et le revendique. « C’est quand même une grande escroquerie d’être payé pour venir chanter cinq ou six chansons », avoue-t-il à Frédéric Brunnquell, qui lui consacre un long portrait au titre évocateur, Dutronc, la vie malgré lui. Beau gosse dans ses costumes cintrés, sourire ravageur, yeux bleu piscine : en ces années 1960, Dutronc avait tout du play-boy de supermarché qui séduisait la France pompidolienne.

Guitariste discret du groupe de rock Les Cyclones qui gravite avec ses potes Johnny et Eddy autour du Golf-Drouot, Dutronc est surtout un glandeur individualiste qui cache sa timidité derrière un profond cynisme et une grande dérision. Son parcours en est d’autant plus étonnant. Assistant de Jacques Wolfsohn, l’impitoyable manageur de Vogue (la maison de disques en pointe de l’époque), il se retrouve du jour au lendemain propulsé chanteur. Sa mission : contrer Les Elucubrations d’Antoine, qui font un carton. Concoctée sur un coin de table, la chanson Et moi, et moi, et moi… se vend à des milliers d’exemplaires et fait de Dutronc une vedette.

Couple mythique

Jacques Lanzmann, journaliste et romancier, viendra se joindre aux deux autres Jacques pour mettre ses mots sur la musique basique de Dutronc. Cela donnera quelques grands succès comme Les Cactus (1966), Il est cinq heures, Paris s’éveille (1968), et Le Petit Jardin (1972). Depuis cette blague en forme de malentendu, Dutronc jongle comme il peut avec cette gloire. C’est ce qu’il raconte au réalisateur qui est allé le rencontrer dans sa maison en Corse où il s’est retiré. Il revient longuement sur sa carrière d’acteur avec Lelouch, Zulawski, Godard, Mocky, Chabrol et Pialat qui, avec son interprétation de Van Gogh, lui permit d’obtenir le César du meilleur acteur.

Jacques Dutronc devant la caméra de Frédéric Brunnquell. / © NILAYA

En contrechamp, Françoise Hardy, avec qui il formait un couple mythique, évoque sans détours sa relation passionnelle et destructrice avec ce Dutronc désinvolte, dépressif et cynique. Illustré par de nombreuses archives, le film relate aussi en creux l’histoire de cette France gaulliste insouciante qui n’a pas vu arriver Mai 68 – auquel le couple Dutronc-Hardy ne participera pas. Au fil du récit et malgré son sourire moqueur de vieille canaille, Dutronc perce un peu sa carapace. Et l’on sent chez lui une certaine fierté de faire partie du patrimoine…

Dutronc, la vie malgré lui, de Frédéric Brunnquell (Fr. 2017, 110 min).