La garde des sceaux, Nicole Belloubet, a annoncé, lundi 18 décembre, la réorganisation de la justice antiterroriste. Trente et un ans après la création de la section antiterroriste du parquet de Paris, dotée d’une compétence nationale, un parquet national antiterroriste (PNAT) devrait voir le jour en 2018. Alors que la ministre évoque « une menace terroriste plus diffuse, moins lisible mais plus présente » qui devrait « vraisemblablement perdurer à un niveau élevé », c’est au nom de « l’efficacité de la justice pénale antiterroriste » qu’elle a fait cette annonce surprise.

Le débat sur la création d’un tel parquet national antiterroriste avait surgi après la série noire des attentats de 2015 et 2016, à la veille de la campagne pour l’élection présidentielle. L’idée était de bâtir une structure spécialisée, sur le modèle du parquet national financier, mis en place en mars 2014. Mais contrairement à plusieurs candidats, comme Nicolas Sarkozy (candidat à la primaire de la droite), Emmanuel Macron n’avait pas fait sienne cette proposition.

S’exprimant lundi à Paris devant les procureurs généraux et les référents en matière de terrorisme, Mme Belloubet n’a pas précisé le périmètre de ce nouveau parquet, ni sa place exacte dans l’organisation judiciaire. Elle a demandé au directeur des affaires criminelles et des grâces et au directeur des services judiciaires de lui faire prochainement des propositions.

Pour justifier ce choix, la ministre dit vouloir disposer d’une « force de frappe judiciaire antiterroriste » avec pour objectif de conduire une « politique pénale autonome et homogène ». Bref, le parquet de Paris, malgré tout le talent de François Molins, procureur de la République, n’aurait pas la capacité d’assurer cette charge dans la durée.

Décharger le parquet de Paris

S’il est désormais connu du grand public pour ses conférences de presse riches et précises qui ont suivi chaque attentat important, le procureur de Paris est également chargé du plus important parquet de France. Outre les affaires ordinaires, nombreuses compte tenu de la taille de la juridiction, le parquet de Paris a aussi des compétences particulières en matière de criminalité organisée, santé publique, accidents collectifs, pollutions maritimes, crimes contre l’humanité, etc. « Un spectre trop étendu », remarque un magistrat parisien, selon qui le scandale de l’Octris (le patron des stupéfiants mis en examen) « est peut-être dû à un manque de disponibilité du parquet de Paris pour exercer sa mission de contrôle alors qu’il a été absorbé par les dossiers terroristes dont l’ampleur est devenue considérable ».

C’est donc pour, d’un côté, décharger le parquet de Paris et, de l’autre, disposer d’un procureur exclusivement consacré au terrorisme que cette nouvelle organisation devrait voir le jour. L’idée de la ministre est également que le PNAT puisse avoir une « capacité d’entraînement et d’échange » avec les services de renseignement. Car en matière de lutte antiterroriste, l’échange d’information et la confiance mutuelle sont essentiels. Par exemple, il peut dans certains cas apparaître justifié de ne pas ouvrir d’enquête judiciaire, malgré des éléments constitutifs d’une infraction, pour mieux continuer une surveillance administrative susceptible de donner des informations sur un réseau.

François Molins avait très vertement critiqué l’idée d’un PNAT, s’inquiétant même dans un entretien au Monde de « l’ignorance ou de la mauvaise foi » de ceux qui évoquaient une telle réforme. L’un des arguments du procureur de Paris était qu’il dispose d’une souplesse de moyens, ayant pu puiser dans les forces vives du parquet pour renforcer au pied levé la section antiterroriste lorsque des attentats de masse sont survenus comme à Paris ou à Nice. Il a, semble-t-il, changé d’avis aujourd’hui.

Quel champ de compétence du PNAT ?

L’une des raisons tient à l’évolution de la menace, notamment dans ce que les magistrats appellent les « zones grises » ou le « bas du spectre ». Dans cette optique, la mobilisation des référents en matière de terrorisme présents dans chaque parquet de France doit être beaucoup plus forte et nécessite donc une coordination que seul un procureur national à plein-temps pourrait assurer.

Reste à définir très précisément quel sera le champ de compétence du PNAT. Certaines infractions connexes au terrorisme, comme la cybercriminalité, pourraient lui être rattachées. De même, sa place dans l’organisation judiciaire n’est pas encore définie. En particulier, la question de son rattachement au parquet général de la cour d’appel de Paris, comme l’est le parquet national financier, n’est pas tranchée.

Sans attendre, certains évoquent le nom de François Molins pour être le premier procureur antiterroriste de la République. Et pour lui succéder au parquet de Paris, le nom de Marc Cimamonti, actuel procureur de Lyon et président de la Conférence nationale des procureurs de la République, est cité. Si Mme Belloubet devait les choisir, leur nomination devra auparavant obtenir l’aval du Conseil supérieur de la magistrature.