L’est de la République démocratique du Congo (RDC) connaissait déjà les massacres, les viols, les pillages. Mais fin 2016, c’est dans le centre du pays qu’est apparu un énième mouvement de « miliciens ». Dans une région qui n’avait pas fait parler d’elle depuis des années, qui n’attirait ni les ONG, ni les journalistes. Comme la majeure partie de ce pays-continent, le Kasaï survivait en silence.

Au départ, c’était un conflit entre un chef coutumier et l’Etat, comme il y en a ailleurs en RDC : les autorités congolaises ne reconnaissaient pas officiellement le chef Kamwina Nsapu, sixième représentant des Bajila Kasanga, l’un des peuples du Kasaï. Quatre ans après son retour d’Afrique du Sud, en 2012, la colère de ce médecin « traditionnel », neveu d’un colonel de l’ancienne armée congolaise, se mua en une lutte contre le régime de Joseph Kabila.

Le président de la RDC s’approchait de la fin de son dernier mandat, prévue le 19 décembre 2016. Son opposant historique, Etienne Tshisekedi, originaire du Kasaï, venait de revenir en triomphe en RDC. Kamwina Nsapu érigeait des barrières, regroupait des hommes, en appelait à ses pouvoirs « magiques » contre l’autoritarisme et la corruption.

Le 12 août 2016, son élimination par les forces de sécurité et la profanation de ses fétiches déclenchèrent la fureur de ses bandes armées de bric et de broc. Ces milices, recrutant des enfants, ont sillonné pendant un an les cinq provinces du Grand Kasaï, attaquant les bâtiments de l’Etat, assassinant des fonctionnaires et des partisans du régime. En plus des affrontements entre les miliciens et l’armée congolaise, une répression impitoyable s’est abattue sur la population civile, accusée de soutenir le mouvement.

Insécurité alimentaire

Un an après la fin de son mandat, Joseph Kabila s’est maintenu au pouvoir grâce à un accord avec l’opposition et au report des élections, désormais prévues le 23 décembre 2018. Au Kasaï, « l’affaire Kamwina Nsapu » s’est transformée en désastre : plusieurs milliers de morts, au moins 89 fosses communes, plus d’un million de personnes déplacées, 400 000 enfants en insécurité alimentaire… Le conflit a pris une dimension internationale depuis l’assassinat, en mars, de l’Américain Michael Sharp et de la Suédo-Chilienne Zaida Catalan, deux experts de l’ONU venus enquêter sur les massacres.

Les chiffres ne disent qu’une partie de la dévastation. Il fallait la voir. Savoir ce qui était arrivé en l’absence des journalistes. Parler avec ceux qui avaient vécu la fin de leur monde, jusqu’alors épargné par la violence des armes. Et comprendre comment la crise politique qui paralyse la RDC a mené à l’une des pires crises humanitaires en Afrique.

Pour la première fois, les autorités congolaises ont autorisé Le Monde à se rendre dans les provinces du Kasaï et du Kasaï-Central. Ces trois reportages racontent trois aspects de la crise : la répression subie par les habitants de la commune de Nganza ; la déstabilisation de l’Eglise catholique vue par l’abbé Thomas, prêtre à Kamonia ; et la crise alimentaire qui ravage le Kasaï, désormais bien éloigné de la paix.

Sommaire de la série « Kasaï, après la crise »

Le 12 août 2016, l’élimination d’un chef traditionnel opposé au président Joseph Kabila, dans le centre de la République démocratique du Congo (RDC), dégénérait en une vague de violences. Alors qu’un semblant de calme est revenu dans la région, Le Monde rend compte de ce désastre humanitaire.