Carles Puigdemont, à Bruxelles, le 21 décembre 2017. / FRANCOIS LENOIR / REUTERS

« President ! President ! » Il est 23 h 50 et Carles Puigdemont fait enfin son apparition à la Nit electoral amb el govern a l’exili (« nuit électorale avec le gouvernement en exil ») organisée au quatrième étage d’un bâtiment discret, près de la gare centrale de Bruxelles. L’arrivée du président catalan déchu, réfugié en Belgique depuis la fin octobre, soulève l’enthousiasme d’une salle où une petite centaine de ses supporteurs – catalans et flamands – et autant de journalistes l’attendent depuis trois heures en sirotant du café tiède.

Arrivé sur place vers 21 heures, il s’est enfermé avec son équipe et a attendu la fin du dépouillement et les interventions de la plupart de ses concurrents pour prendre la parole. Des huissiers affirment que le cava a coulé à flots dans ces bureaux, mais l’intéressé dément : la dureté de la campagne électorale, et le risque d’une nouvelle confrontation avec Madrid, « empêchait de le sabrer », assure-t-il.

Pourtant, la soirée est dépeinte comme historique car elle marque, affirme M. Puigdemont, « la victoire de la république catalane sur la monarchie espagnole de l’article 155 ». Avec ce résultat « que personne ne peut discuter », il est clair, ajoute-t-il, que Mariano Rajoy, le premier ministre conservateur, a « reçu une claque » et « perdu le plébiscite qu’il voulait ». « Nous avons gagné cette nuit le droit d’être écoutés ! », insiste-t-il devant des militants partagés entre la joie de la victoire et l’incertitude quant à l’avenir. « On a gagné, mais la situation n’est pas plus claire qu’avant, juge Luis, 51 ans. Et puis, que va faire Puigdemont ? »

Une Europe trop timide

On allait devoir attendre vendredi 22 décembre pour obtenir, peut-être, une réponse à cette question : l’ex-président, remis en selle par le scrutin, devait tenir une nouvelle conférence de presse à la mi-journée. Il y a quelques semaines, il avait confié son intention de rester en Belgique au-delà des élections. C’était avant que Madrid renonce au mandat d’arrêt européen lancé contre lui et les anciens membres de son gouvernement, qui l’ont suivi dans son « exil ». Et avant ce succès longtemps inespéré.

Autant que sur Barcelone et Madrid, les dirigeants catalans et leurs supporteurs avaient jeudi soir l’œil rivé sur Bruxelles, et sur la réaction des institutions européennes, jugée trop timide depuis le début de la crise. « L’Europe doit prendre bonne note [des résultats], la recette de Rajoy ne fonctionne pas », a encore lancé M. Puigdemont.

Parmi les militants rassemblés jeudi soir, à Bruxelles, un seul arborait la bannière bleu et or de l’Union. « Il faut qu’elle s’occupe de nous », expliquait-il. Pendant ce temps-là, ses amis scandaient « Indépendance ! Indépendance ! » en espérant peut-être que leur voix porte jusqu’au quartier européen de la ville. S’il a entendu, celui-ci ne compte toutefois pas écouter.