Université de Picardie Jules-Verne (UPJV), à Amiens. / Université de Picardie Jules Verne via campus

Le courrier partira début janvier : le président de l’université de Picardie Jules-Verne (UPJV), Mohammed Benlahsen, a décidé d’écrire au président de la République et au premier ministre pour leur demander d’augmenter la dotation de l’Etat en faveur de son établissement. Un écho à l’adoption, à l’unanimité du conseil d’administration de l’UPJV, le 14 décembre, d’une motion dénonçant son « manque de moyens humains et financiers ». Alors que la hausse des charges pour l’année 2018 devait atteindre 6 millions d’euros, la compensation tout juste annoncée par l’Etat ne sera que de 1,8 million.

Des difficultés budgétaires qui sont loin d’être isolées. En 2016, la Cour des comptes avait ainsi alerté sur la situation financière de quinze des soixante-dix universités que compte le pays – celle de Picardie n’en faisait alors pas partie. Les causes sont communes : depuis le passage à l’autonomie des universités, à partir de 2009, les dotations que leur verse l’Etat progressent beaucoup moins vite que leur nombre d’étudiants, dopé par le boom des naissances au début des années 2000, et particulièrement marqué à l’UPJV : « Nous sommes passés de 25 000 étudiants en 2013 à 30 000 aujourd’hui, et devrions en accueillir 800 à 1 000 de plus à la rentrée prochaine », précise Mohammed Benlahsen.

Et ces dotations progressent aussi moins vite que la masse salariale des universités, « alors que celle-ci dépend en partie des décisions de l’Etat, telle que la progression du point d’indice pour la rémunération », souligne Fabrice Guilbaud, secrétaire du Snesup-FSU au sein de l’UPJV. Ce dernier fait partie de l’intersyndicale des personnels qui s’est mobilisée, ces dernières semaines, en lien avec plusieurs syndicats étudiants : des assemblées générales, une pétition en ligne et des rassemblements devant la présidence de l’université puis le rectorat ont été organisées, pour dénoncer le manque de moyens et les décisions de rigueur qui en ont découlé.

« Nous sommes sous-dotés en personnels »

Le président de l’université reconnaît des « choix difficiles », pour parvenir à proposer un budget 2018 à l’équilibre : diminuer les frais de fonctionnement, supprimer, à l’occasion de la refonte de l’offre de formation, vingt mille heures de cours, tant en licence qu’en master, et surtout repousser les cinquante-quatre ouvertures de postes nécessaires pour remplacer les départs, en se « contentant » de contractuels. Pour M. Benlahsen :

« Il y a eu des erreurs de gestion par le passé, des dégels de postes imprudents et une forte hausse des heures d’enseignements dans certaines filières. Mais ces erreurs n’expliquent pas tout : nous sommes sous-dotés en personnels, et la dépense moyenne pour un étudiant de l’UPJV est inférieure d’un quart à celle d’un étudiant niçois ou parisien. »

Le budget 2018 a finalement été voté par vingt-cinq voix « pour » et huit « contre ». « Il y a une véritable conscience collective, que je salue », explique Mohammed Benlahsen, qui a de son côté joint sa voix à celle de la totalité des autres membres du conseil d’administration pour signer la motion qui « demande au ministère de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour résoudre la situation ».

Pour le syndicaliste et maître de conférences Fabrice Guilbaud, qui promet de continuer la mobilisation à la rentrée de janvier :

« En Picardie, la part de bacheliers qui font des études supérieures est plus faible qu’ailleurs. Mais notre université parvient à en attirer de plus en plus. Il y a donc un fort enjeu de promotion sociale, doublé de la nécessité de répondre aux attentes des lycéens et de leur famille. La solution n’est pas d’instaurer la sélection à l’entrée des universités comme l’a décidé le gouvernement, mais d’augmenter leurs moyens. »