« Jakten på tidskristallen » (« la chasse au cristal du temps »), la série de Noël 2017, a reçu un accueil tiède de la presse suédoise. | CAPTURE D’ÉCRAN WEB

En Suède, Noël a commencé le 1er décembre. Depuis le début du mois, on réchauffe le glögg (le vin chaud acheté en bouteille), on cuit les pepparkakor (biscuits au gingembre). Et on se pelotonne pour suivre Julkalendern (le « calendrier de Noël »), série télévisée diffusée sur la chaîne SVT, en vingt-quatre épisodes quotidiens de quinze minutes. Avec 2,5 millions de téléspectateurs en moyenne – dans un pays de dix millions d’habitants – c’est devenu au fil des ans un des programmes-phares de la chaîne, avec Melodifestivalen, le concours de qualification à l’Eurovision.

A chaque année son nouveau Julkalendern, avec une intrigue et un casting inédits. L’édition de Noël 2017 baigne dans la même nostalgie des années 1980 que les séries Netflix, comme l’américaine Stranger Things ou l’allemande Dark, ou encore le film Ça adapté du livre de Stephen King. Avec Jakten på tidskristallen (« la chasse au cristal du temps »), c’est l’avenir du monde et de Noël qui sont en jeu : le temps s’arrêtera le 23 décembre à minuit, sauf si les trois jeunes héros et leur professeure foldingue (réplique féminine du Doc Emmett Brown de Retour vers le futur), parviennent à trouver le centre exact de l’univers.

Le trentenaire Tord Danielsson est l’un des deux réalisateurs. « C’est un honneur en Suède de se voir confier la réalisation du “Calendrier de Noël” », assure-t-il. Lui-même, enfant des années 1980, a grandi avec : « C’était très spécial. On regardait en famille, alors que c’était plutôt rare que mon père et ma mère suivent un programme pour enfants. »

« Ce genre de programme permet de se réunir (…) avec le sentiment que tout le monde en Suède fait la même chose au même moment.» Johanna Gårdare, directrice chez SVT

Le premier « Calendrier » télévisé date de 1960. Il s’inspire de celui diffusé par la radio publique depuis 1957, qui existe encore. Le concept en soi est un défi pour les réalisateurs télévisés, commente Johanna Gårdare, directrice des programmes jeunesse chez SVT : « Ils doivent produire six heures de télévision, soit trois longs-métrages, sur 24 épisodes, ce qui est difficile d’un point de vue dramaturgique. »

L’objectif est clair : rassembler sur le canapé, tous les jours, à 7 h 15 le matin, ou 18 h 45 pour la rediffusion, toutes les générations, pour une communion annuelle devant la télé. Pas évident à l’époque du streaming. Et pourtant, ça marche : « Dans une société numérique fragmentée, où chacun est souvent de son côté sur son appareil, on éprouve peut-être un besoin plus fort pour ce genre de programme, qui permet de se réunir autour de quelque chose, avec le sentiment que tout le monde en Suède fait la même chose au même moment », avance Johanna Gårdare.

La neige, un ingrédient indispensable

Julkalendern est aussi le programme qu’on adore détester. Car en visant large, pas toujours facile de toucher juste. Jakten på tidskristallen, le cru 2017, a reçu un accueil tiède de la presse. Les critiques applaudissent la part belle réservée aux personnages féminins, mais s’agacent de la lenteur du tempo et des références trop appuyées à la décennie 80. Les téléspectateur n’hésitent pas à faire connaître leur avis, inondant la chaîne de commentaires. L’Association des jeunes allergiques, par exemple, s’est plainte d’un des personnages, caricature du jeune nerd asthmatique. En 2014, c’était les vacances au soleil de la famille au cœur de l’intrigue, qui avaient touché une corde sensible : « Le calendrier de Noël ne doit pas contribuer à ce que les différences de classe soient encore plus visibles pour les enfants qui le suivent », s’insurgeait une polémiste.

Et puis il y a la question de la neige. En cas d’absence à l’écran, les réactions sont vives. Mais le réchauffement climatique complique les choses. Pour le Julkalendern 2018, qui sera filmé à partir de janvier, le seul transport de poudreuse vers le lieu de tournage va coûter 350 000 couronnes (35 000 euros), confie Johanna Gårdare. Mais tous les moyens sont bons pour une telle institution.