Des manifestants hostiles à la grâce d’Alberto Fujimori expriment leur colère, près de l’hôpital de Lima qui a pris en charge l’ancien président péruvien. / MARIANA BAZO / REUTERS

Plus de cinq mille Péruviens ont manifesté lundi soir 25 décembre à Lima, malgré les fêtes de Noël, pour dénoncer la grâce accordée à l’ex-président Alberto Fujimori et exiger la démission de l’actuel chef de l’Etat, qu’ils accusent d’avoir négocié politiquement cette mesure.

« Dehors, dehors PPK ! » [acronyme et surnom du président Pedro Pablo Kuczynski], ont scandé les manifestants descendus dans la rue à la tombée de la nuit après des appels relayés sur les réseaux sociaux.

D’importantes forces de l’ordre avaient été déployées dans les rues de la capitale péruvienne pour empêcher les manifestants de rejoindre la clinique où Alberto Fujimori a été hospitalisé samedi pour arythmie et tension artérielle basse, et devant laquelle des centaines de ses sympathisants étaient massées pour fêter sa remise en liberté.

Fujimori toujours en soins intensifs

Selon son médecin traitant, le Dr Alejandro Aguinaga, Alberto Fujimori était toujours en unité de soins intensifs. Il souffre de « plusieurs pathologies dégénératives comme une fibrillation auriculaire, c’est un problème qui va en s’accentuant dans le cœur », a-t-il précisé.

Président de 1990 à 2000, M. Fujimori, 79 ans et d’origine japonaise, purgeait depuis 2007 une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l’humanité pour avoir commandité l’assassinat de 25 personnes aux mains d’un escadron de la mort durant la guerre contre les guérilleros du Sentier lumineux (extrême gauche maoïste).

Dimanche, Pedro Pablo Kuczynski lui a accordé une grâce « humanitaire », alors qu’il s’était engagé durant sa campagne électorale de 2016 à ne pas le libérer. Selon de récents sondages, 65 % des Péruviens étaient favorables à une amnistie de l’ancien chef de l’Etat, figure qui déchaîne toujours les passions au Pérou.

Le président Kuczynski a gracié Alberto Fujimori sur la base d’une recommandation médicale, trois jours après avoir échappé à une destitution lors d’un vote au Parlement.

« Jeu politique »

« Tout fait partie d’un jeu politique, les raisons de santé [invoquées pour le gracier] ne sont pas claires, nous sommes ici avec les proches [des victimes] pour dénoncer cette grâce illégale car elle ne correspond pas à la gravité des délits sanctionnés », a déclaré aux journalistes Gisella Ortiz, représentante d’un groupe de familles.

Le secrétaire exécutif de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme, Paulo Abrao, a également critiqué sur Twitter « une décision politique qui ignore la proportion entre l’amnistie et la gravité des crimes contre l’humanité ». « C’est une offense aux victimes. Ce n’est pas une réconciliation. C’est simplement de l’impunité », a-t-il affirmé.

« Ce n’est pas possible de gracier ces crimes. Le droit international le dit », a de son côté estimé Me Carlos Rivera, avocat de victimes de la politique antiterroriste de Fujimori.