Le Musée de la photographie de Saint-Louis (MuPho), au Sénégal, a ouvert ses portes fin novembre dans un bâtiment fraîchement restauré. L’institution fondée par l’homme d’affaires et collectionneur sénégalais Amadou Diaw est dirigée par Salimata Diop. A 30 ans, la jeune femme a un joli parcours derrière elle. Après des études de lettres à la Sorbonne puis un master à l’Institut d’études supérieures des arts (IESA), à Paris, elle a migré à Londres, où elle a collaboré avec la galerie Tiwani et la maison de ventes Bonham’s, avant de diriger la programmation de l’Africa Centre. Depuis fin 2014, elle est directrice artistique de la foire AKAA, à Paris.

Salimata Diop, la directrice du Musée de la photograpghie de Saint-Louis, au Sénégal. / Céline Nieszawer

D’où vient l’idée de ce musée ?

Salimata Diop L’idée vient de l’entrepreneur Amadou Diaw, qui a fondé l’Institut supérieur de management de Dakar ainsi que le Forum de Saint-Louis. Il est originaire de cette ville et a toujours eu à cœur de lui rendre sa grandeur passée. Pour lui, le développement et l’urbanisation passent par la culture et la créativité. Il se préoccupe de la préservation et de la restauration du patrimoine architectural de Saint-Louis. Il a ainsi décidé de restaurer une maison pour y installer ce musée de la photographie. Il compte aussi acquérir et dynamiser d’autres lieux à Saint-Louis.

Y a-t-il une tradition de la photo à Saint-Louis ?

C’est ici qu’est née la photo ouest-africaine. Le premier appareil photo fut envoyé à Saint-Louis en 1863 par le ministère français de la marine et des colonies. On y recense des photographes dès le XIXe siècle, d’abord des Français puis des Sénégalais de talent, comme Meïssa Gaye, qui ont ouvert des studios dans les années 1940. Il y en eut bien d’autres, jusqu’à Oumar Ly, auquel l’exposition inaugurale rend hommage.

Le Musée de la photographie de Saint-Louis, au Sénégal. / Siaka Soppo Traoré

Ce musée a-t-il une collection permanente ?

Il abrite la collection d’Amadou Diaw, soit une quarantaine d’œuvres. L’exposition inaugurale, « Rêveries d’hier et songes du présent », rassemble des photos vernaculaires représentant des beautés sénégalaises des années 1930 à 1950. Ces clichés sont anonymes pour le moment, mais j’espère qu’ils ne le resteront pas longtemps, car l’un des buts du musée est de revisiter l’histoire des studios photo qui ont connu leur âge d’or dans les années 1930. L’exposition comprend aussi un volet contemporain, avec des photographies notamment de Joana Choumali, de Malika Diagana, d’Omar Victor Diop et de Fabrice Monteiro. L’idée est d’enrichir cet ensemble et de le faire voyager en Afrique.

Imaginez-vous des partenariats avec d’autres structures en Afrique ?

Bien sûr. Nous voulons aussi sortir des sentiers battus des échanges Nord-Sud et exposer la collection en Asie et en Amérique latine.

« Rêveries d’hier et songes du présent », l’exposition inaugurale du Musée de la photographie de Saint-Louis, au Sénégal, en 2017. / Siaka Soppo Traoré

Créer un lieu est une chose, le faire vivre en est une autre. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Nous sommes sereins, car le projet est financé par Amadou Diaw, qui a injecté 100 000 euros pour les premiers achats d’œuvres, la restauration du site selon les normes de l’Unesco et la scénographie. Nous allons mettre en place une équipe ainsi qu’un comité stratégique, avec des personnalités comme Béatrice Soulé et Azu Nwagbogu, du festival Lagos Photo. Notre objectif est de devenir de plus en plus autosuffisant : nous avons prévu une boutique et un café. Comme toutes les institutions, nous misons sur des revenus commerciaux, des fonds privés et publics.

Des fonds publics, n’est-ce pas un vœu pieux quand on voit que le Musée des civilisations noires de Dakar est encore dans les limbes ?

Il faut que les autorités publiques se mettent à jour. Au Sénégal, on a toujours tendance à considérer la culture comme un folklore sympathique. Le Musée de la photographie veut montrer que la culture crée de la richesse, de l’emploi, qu’elle est partie intégrante de l’économie. Nous avons eu un président poète, Léopold Sédar Senghor, qui a consacré une grande partie du budget de l’Etat à la culture. Même si les choses ont changé depuis au niveau politique, cette idée fondatrice compte encore. Des artistes comme Soly Cissé encouragent les plus jeunes générations. Beaucoup de cadres ou de créatifs qui ont fait leurs études à l’étranger reviennent. Ils ont eu l’opportunité de partir faire carrière mais sont restés au Sénégal parce qu’ils croient dans le réveil de la créativité.